Le cousin germain du roi du Maroc ne mâche pas ses mots. Il critique la monarchie et M6 qui, prévient-il, "risque d'entraîner le pays dans sa chute". "Ce livre critique la monarchie chérifienne pour que les Marocains puissent s'en défaire, s'ils en ont la volonté, ou pour qu'ils puissent l'adapter à leurs besoins, si tel est leur souhait", s'explique le prince Hicham Ben Abdallah El Alaoui, dans son premier ouvrage Journal d'un prince banni. Demain le Maroc, sorti récemment aux éditions Grasset. Dans ce livre de 343 pages, il livre toute sa "vérité d'homme et de prince". Porteur d'un "projet pour le Maroc", il décrit les "travers" du makhzen, parle de sa vie à l'intérieur et à l'extérieur du palais, avant de "décoder l'ADN du makhzen". En fait, l'auteur nous invite à une réflexion sur l'avenir de la monarchie chérifienne, se demandant ce qu'elle peut "encore" apporter à son pays "comme forme de gouvernance" et si elle peut donner naissance à "un autre régime". Dès le départ, le prince banni du palais, qui s'est exilé aux Etats-Unis, révèle avoir discuté avec Mohammed VI, en 1999, sur l'état des lieux, en lui conseillant de permettre aux Marocains de devenir des "citoyens" et de démanteler le makhzen. Aujourd'hui, écrit-il, M6 est rattrapé par "le printemps arabe". Selon lui, "trop d'opportunités n'ont pas été saisies, du temps précieux a été perdu", auxquels s'ajoute "le passif d'une gouvernance menaçant la politique d'asphyxie". "Depuis toujours, M6 a éprouvé une profonde aversion à l'égard de la politique (...) (et) a voulu se situer ailleurs", poursuit l'auteur, en rappelant que le roi du Maroc "ne vit plus au palais", qu'il n'est plus "maître chez lui", et en se demandant qui du roi et de sa cour "sert ou se sert de qui". Le cousin germain de M6 va plus loin et laisse entendre clairement que le roi actuel ne saura pas "changer la nature de la monarchie chérifienne". "La monarchie a besoin d'évoluer, pour le bien du pays comme, d'ailleurs, pour sa propre survie. Elle ne peut plus reposer sur la foi aveugle en un souverain divin", soutient-il, reprochant à M6 d'avoir "créé le vide autour de lui, ou le trop-plein de ‘copains' incapables" et du "risque d'entraîner le pays dans sa chute". "Le makhzen est un vampire qui n'aime pas la lumière" Dans son ouvrage, le prince Hicham revient sur un certain nombre d'événements, rappelant notamment les "rumeurs" sur les circonstances du décès de Mohammed V et de l'assassinat de l'opposant Mehdi Ben Barka, certaines ayant impliqué Hassan II dans leur disparition, mais aussi sur les deux tentatives d'assassinat, dans les années 70, contre la personne du nouveau roi. Sans manquer de s'exprimer sur l'univers des "courtisans", du "despotisme du makhzen", des "disparitions", du bagne de "Tazmamart", des "humiliations en public" contre son père, Moulay Abdallah, ainsi que sur ses relations "inquiétantes" avec le palais et les "coups bas" portés à son encontre. Concernant le baisemain, le prince Hicham le qualifie de "geste humiliant", voire de "geste de soumission", reprochant d'ailleurs à M6 de se l'être "approprié, dès qu'il a chaussé les babouches du pouvoir". Le prince Hicham décrit "l'Etat-makhzen" comme "un vampire (qui) n'aime pas la lumière". Pour perdurer et se mettre au service de la démocratie, la monarchie devra, selon lui, se détacher de "ce bazar" et assainir le "portefeuille royal". L'autre sujet évoqué par le prince banni est celui du Sahara occidental. Il revient donc sur la genèse du dossier de décolonisation rappelant, entre autres, le "rêve d'Allal al-Fassi d'un ‘Grand Maroc'", mais aussi l'opportunité qu'offre la question sahraouie à Hassan II, qui souffre alors "d'un déficit de légitimité" et qui est "à la recherche d'un titre de gloire nationaliste". "Le Sahara occidental est pour lui un cadeau du ciel (...). Hassan II (...) instrumentalise le contentieux du Sahara occidental grâce à son idée géniale d'une ‘marche verte'", soutient-il, en avisant de la "grossière erreur de politique étrangère" du roi, de la "cuisante défaite diplomatique" qui s'en est suivie, et en insistant sur les conséquences des actes suivants. "Jusqu'au milieu des années 1990, ivre de narcissisme, Hassan II sera omnipotent, terrible. Plus personne ne pourra plus lui dire quoi que ce soit", constate-t-il. Pour le prince Hicham, le Sahara occidental vient "compliquer la fin de règne" de Hassan II, qui croyait que "le Maroc pouvait remporter le référendum (d'autodétermination, ndlr)". Il témoigne également de la répression qui s'est abattue sur les manifestants sahraouis, en septembre 1999, deux mois après l'accession au trône de M6, tout en se gardant de parler des nombreuses violations des droits de l'homme, commises à ce jour, par le Maroc, ou encore sur le pillage des ressources naturelles de l'ancienne colonie espagnole. "Avant et après Hassan II, par quelque bout que l'on prenne les problèmes du Maroc, du Sahara occidental au ‘réveil berbère', en passant par la corruption, l'on aboutit indéfiniment à la même conclusion : aucune solution ne saurait être trouvée sans la redéfinition du pacte social en vue d'une vraie démocratisation du système", expose-t-il. Enfin, sur le chapitre des relations avec la France et les USA, l'auteur révèle que le roi Hassan II "admirait l'Amérique", mais avait "plus d'affinités culturelles avec la France". Selon lui, la colonisation française "a profondément changé le Maroc", puisqu'elle "a sauvé le makhzen en le remettant d'aplomb", a "profondément refaçonné le régime chérifien", réinventé ses "traditions" et transformé "le sultanat en royaume". H. A Nom Adresse email