Au nom de la liberté de la presse, qui tente de s'imposer cahin-caha, s'est développé un secteur illégitime, mais juteux en Algérie : la publicité. Le marché publicitaire est né et a grandi simultanément avec les publications multiples qui ont vu le jour au lendemain de l'ouverture démocratique de 1989. Illégitimité, le mot n'est pas si fort que ça, puisque jusqu'à ce jour, cette activité pèche par l'absence flagrante de réglementation et souffre d'un manque criant de régulation. La corporation échappe à tout contrôle du point de vue réglementaire. La publicité évolue dans l'anarchie, faute de cadre organisationnel, réglementaire et professionnel. Le texte présenté par le gouvernement Hamdani a été bloqué, on se le rappelle, par le Sénat. Le marché demeure sans balises juridiques censées protéger le consommateur algérien que certains annonceurs indélicats continuent... d'abreuver en publicité mensongère. L'anarchie qui règne en maître absolu dans le secteur ne peut être éradiquée ainsi, sans un code de l'information, qui doit donner lieu à la promulgation d'une loi relative à la publicité. Résultat des courses : l'inexistence de statistiques fiables à même de contribuer à mieux maîtriser et encadrer ce créneau devenu, par la force des choses, l'appât d'innombrables opérateurs. L'arrivée de certains secteurs économiques en tant que moteurs de croissance a foncièrement élargi un marché en pleine expansion qui s'empare de tous les supports, à savoir la télévision, la radio, la presse écrite, Internet... Néanmoins, des chiffres ont été avancés çà et là par des experts très au fait de ce qui se fait sur ce marché. Ils évaluent ce dernier à des centaines de millions d'euros. Le marché de la publicité a généré en Algérie 140 millions d'euros en 2012. Il avait atteint quelque 268 millions d'euros une année plus tôt. Le secteur connaît une croissance timide, alors que les potentialités du marché sont importantes. Ces recettes représentent, toutefois, une part de 0,13% du PIB et 0,28% du secteur hors hydrocarbures. En 2009, il a avoisiné les 250 millions d'euros, tous supports confondus, notamment la presse écrite, audiovisuel et Internet avec une baisse de 10% pour l'achat des espaces. Les spécialistes avouent que 48% de la publicité sont accaparés par l'Entv, de plus en plus bousculée par les nombreuses chaînes privées. La Télévision algérienne réalise 50% de son chiffre d'affaires pendant le Ramadhan où sont atteintes les meilleures audiences. Un bilan établi par d'autres expertises corrobore ces estimations et indique que l'investissement publicitaire global en Algérie par les médias montrait que la Télévision algérienne se taillait la part du lion avec une proportion de 39% de l'ensemble de la cagnotte estimée à 12,9 milliards de dinars. Des recettes de plus de 1 milliard d'euros dans quelques années ! Viendra ensuite la presse écrite avec un pourcentage de l'ordre de 35,1%, l'affichage (16,1%) et la radio (9,8%), se référant à une étude faite par Sigma Groupe. En termes d'investissement, les trois pays du Maghreb (Algérie, Tunisie et Maroc) ont totalisé une cagnotte de l'ordre de 763,1 millions de dollars entre 2008 et 2009. L'Algérie venait en seconde position après le Maroc en termes de recettes avec près de 180 millions de dollars (12,9 milliards de dinars), contre 493 millions de dollars chez le voisin marocain. La Tunisie, elle, venait en troisième position avec un montant de 91,2 millions de dollars. Des observateurs avouent que l'extension de cette activité vers les secteurs des assurances, des banques, des loisirs, de la culture et de la grande distribution et la croissance du pays feront croître le marché de 15% pour atteindre un montant de 1,5 milliard d'euros. Ce qui lui confèrera la place de leader dans la région du Maghreb. Dans le cas contraire, sa croissance moyenne sera établie à 5% avec une enveloppe qui avoisine les 405 millions d'euros seulement. Le marché national affiche des perspectives réelles et prometteuses pour la prochaine décennie. Pour les dix prochaines années, les professionnels du secteur s'attendent, en effet, à des recettes qui dépasseraient le milliard d'euros, pour peu que le secteur soit relancé, avec la mise en place d'un cadre réglementaire qui mettra fin à la désorganisation qui le caractérise depuis sa naissance. Cela étant, il y a à peine trois ans, le marché de la publicité enregistre une solide reprise qui était le fait de firmes étrangères. C'est là aussi une autre incongruité relevée sur le marché algérien. La corporation est, faut-il le souligner, dominée par des sociétés à capitaux étrangers qui, avec une euphorie illimitée, procèdent à la fin de chaque exercice au transfert des dividendes vers leur pays d'origine et autres. "Ces agences ont réalisé des investissements presque insignifiants en Algérie, mais transfèrent tous les ans des sommes faramineuses au titre des bénéfices concrétisés", explique-t-on. Leurs parts de marché sont considérables. Le diktat des firmes étrangères... Ces agences gèrent à la fois les gros budgets publicitaires de plusieurs entreprises privées algériennes et ceux de certains groupes publics, ainsi que la plupart des grands groupes étrangers implantés en Algérie. Cette désorganisation a profité, constate Rachid Hessas, directeur général de la société RH. International, à des entreprises étrangères et à des intrus, qui ont fait irruption dans la profession au détriment des professionnels. Les investissements de certains annonceurs à capitaux étrangers deviennent un sujet d'inquiétude pour les autorités algériennes en raison de leur influence sur les médias nationaux. Ce fâcheux état de fait a provoqué la réaction des spécialistes du domaine qui se sont élevés ces derniers jours afin de réclamer une actualisation du cadre juridique pour qu'il soit en conformité avec les normes universellement requises. Ainsi, les entreprises à capitaux étrangers risquent de disposer d'une influence plus importante si des mesures adéquates ne sont pas prises pour y remédier. Une chose est sûre, l'Etat ne cache guère sa préoccupation quant à ce nouveau pouvoir de l'argent qui commence à s'instaurer dans le pays. Rachid Hessas, qui organise annuellement les journées euromaghrébines de la communication publicitaire, affirme qu'il y aurait pas moins de 3 000 agences de communication en activité en Algérie. Mais dans ce milieu, le professionnalisme n'est pas toujours établi. "On ne sait pas encore qui fait quoi et quel est le pourcentage des professionnels sur ces 3 000 agences ?", s'interroge-t-il. Il lance tout de go : "Nous ne cessons d'appeler, notamment lors des manifestations que nous organisons annuellement, à la naissance d'une association ou fédération qui hisserait à un niveau professionnel ce métier que nous défendons de toutes nos forces. Mais en vain." M. Hessas insiste sur la mise en place d'une association, seule à même de protéger les intérêts des professionnels du secteur. La naissance d'une union nationale pour regrouper les agences de publicité dans l'objectif d'organiser la profession et, par là même, le marché est d'ailleurs le souhait de tous les acteurs dans le secteur publicitaire. À ce propos, le chef de cabinet du ministre de la Communication, Mahieddine Ouhadj, a, lors de l'une de précédentes rencontres, annoncé la création prochaine d'une agence de régulation de la publicité à la faveur de la nouvelle loi relative à ce domaine. Cette structure aura pour mission d'organiser et de réguler le secteur à travers la mise en application de règles et l'introduction de la transparence dans l'exercice de ce métier. Il s'agirait d'un espace organisé où les professionnels seront face à des règles claires, permettant une concurrence saine et loyale. B. K. Nom Adresse email