Invitée du Café littéraire de Béjaïa, Fatma Oussedik, professeur de sociologie, a animé, samedi dernier, au théâtre régional Malek-Bouguermouh, une rencontre-débat ayant pour thème : "Sociologie d'une crise : retour sur les événements de Ghardaïa". Intervenant devant un parterre d'universitaires et de journalistes, la conférencière reviendra sur les violences ayant secoué ces dernières années la vallée du M'zab, en remontant aux origines de ce conflit intercommunautaire. Pour elle, la défaillance des institutions de l'Etat, la démission des partis politiques, l'absence de médiateurs sociaux, la remise en cause et la destruction des organisations sociales ancestrales des différentes communautés de la région ont été pour beaucoup dans la genèse de ces luttes fratricides. Selon l'oratrice, ce conflit dit intercommunautaire ne se limite réellement pas aux deux tribus, les Chaâmba (Malékites) et les Mozabites (Ibadites) en l'occurrence. Car, il y a aussi parmi le peuple autochtone des Béni Merzoug, des M'dabbih, des Ouled Naïl, mais également des populations venues des Hauts-Plateaux, de Kabylie, du Gourara, du Mali... Mme Oussedik affirmera qu'outre la passivité des pouvoirs publics quant à la prise en charge effective des problèmes de cette région du Sud, il y a une volonté de casser cette organisation sociale et ce savoir-faire dont jouissent les Mozabites. "On ne fait pas appel à un Etat qui ne nous protège pas", a-t-elle soutenu. La conférencière estimera, en outre, que ce qui prête à confusion, ce sont les termes utilisés pour désigner les uns et les autres et qui renvoient souvent à une appartenance religieuse ou à une origine ethnique, tels que "Malékites", "Ibadites", "Arabes", "Mozabites"... Au terme de son exposé, qui a duré une heure, un débat a été ouvert. L'assistance nombreuse posera autant de questions. Interrogée sur le contexte, elle dira qu'"on est face à un système épuisé !", et donc forcément incapable de se montrer à la hauteur. Mme Oussedik croit dur comme fer que "contrairement à ceux qui disent que les familles mozabites vivent en vase clos, celles-ci affichent une grande sociabilité", arguant même qu'"après la wilaya d'Alger, c'est Ghardaïa qui compte le plus grand nombre d'associations en Algérie", pour dire la vitalité d'un territoire. Afin d'étayer ses propos, la sociologue citera à titre d'exemple la localité de Béni Izguène, qui compte, à elle seule, "pas moins de 25 associations féminines". Par ailleurs, l'invitée du Café littéraire de Béjaïa ne manquera pas de souligner que le pays est en proie à des menaces extérieures. "Sans céder à la théorie du grand complot, je dois dire, aujourd'hui, que l'Algérie est bel et bien ciblée par des puissances étrangères qui convoitent ses diverses richesses. C'est au demeurant le pays le plus grand du continent africain, après la division du territoire soudanais", a-t-elle attesté. Elle considère, d'ailleurs, que les partisans de projets séparatistes, tels que le fédéralisme, constituent une menace pour la stabilité du pays. "Je suis fière d'appartenir à une seule Algérie", a-t-elle pesté d'un air orgueilleux. Enfin, la professeure Oussedik laissera entendre, lors des débats, que la grève du cartable et le boycott de l'année scolaire 1994-1995, décrétés en Kabylie, étaient une décision suicidaire. "Cela relève d'un désinvestissement scolaire imposé par des politiques, dont certains d'entre eux avaient pris le soin de scolariser leurs enfants hors de la Kabylie", a-t-elle affirmé. Une thèse que d'aucuns ne partagent pas, puisque certains intervenants ont estimé que le boycott de l'école constituait une manière de faire pression sur le pouvoir central, ce qui a permis d'ailleurs à tamazight d'intégrer le système éducatif à la faveur de la création, en 1995, du Haut-Commissariat à l'amazighité (HCA). K. O. Nom Adresse email