"Séisme", "tremblement de terre", "onde de choc", "dégâts" : le champ lexical de la catastrophe revient dans beaucoup de médias, tant français qu'étrangers, concernant la victoire du Front national au scrutin européen du 25 mai. Le père Le Pen avait promis un "tremblement de terre" en glissant son bulletin dans l'urne. Sa fille Marine n'en pensait pas moins. Commentaire des résultats aux élections européennes du Premier ministre français : "un séisme". Le Front national (FN, parti français d'extrême droite) qui arrive en tête avec plus de 25% des voix, entre 23 et 25 députés à Strasbourg, vise désormais des législatives anticipées en France et bien sûr l'élection présidentielle de 2017. Si la victoire de Marine Le Pen est sans conséquence aucune dans l'hémicycle européen où, à quelques petits détails près, la configuration de la précédente législature est reconduite avec en tête les conservateurs du PPE suivis des socialistes, chez elle, en revanche, c'est effectivement un tremblement de terre, un séisme. Sa victoire a bouleversé l'échiquier politique, elle a exaucé le vœu d'un demi-siècle de son père qui a expérimenté sa gouaille raciste chez nous où il fut un militaire colonialiste zélé : assener un coup de pied à l'establishment. L'UMP, parti de droite conventionnelle, est seconde, mais sa crise identitaire s'est approfondie. Décervelée par l'ex-président, Nicolas Sarkozy, l'UMP avait mis au garage tout ce qui fut sa marque de fabrique, une droite centriste contenue par des figures humanistes. La chasse de l'UMP sur les terres du FN Avec Jean-François Copé, dauphin du plus droitier des présidents français de la Ve République, l'UMP a eu beau se repeindre aux couleurs du FN, elle a poursuivi sa descente aux enfers. Le parti que Jacques Chirac avait consolidé va probablement se déchirer davantage sur fond de scandales financiers et de querelles intestines. Ses ultra-droitiers vont donner de l'aile en épousant plus les "idées" lepénistes, particulièrement les chapitres islamophobes et anti-immigrés. Et, ils sont plus nombreux qu'on ne le pense à avoir fréquenté l'école sarkoziste dont le sherpa à l'Elysée a été le fameux Patrick Buisson "théologien" d'idées droitières extrêmes. Pour se dédouaner, l'UMP a commencé à tirer sur l'ambulance socialiste dont les errements, selon elle, ont conduit la France au chaos. À la faveur de cette thèse, il est à remarquer que le FN est sorti des bois chaque fois que le pouvoir est entre les mains des socialistes. Reste que le PS (Parti socialiste au pouvoir), s'est effondré plus que prévu avec 13 sièges contre une vingtaine pour l'UMP. C'est la seconde claque pour le président François Hollande en l'espace de huit semaines. Le PS sombre Le PS a, en effet, laissé des plumes aux dernières municipales où l'UMP a pris le dessus après un demi-siècle d'effacement dans les grandes villes, alors que le FN de Marine Le Pen, bien que dédiabolisé, s'est contenté d'une dizaine de mairies sur les 36 000 que compte la France. François Hollande a beau relativiser en expliquant que ce scrutin est, certes, national, mais il concerne des enjeux européens et pour lequel plus de 56% des Français ne se sont pas déplacés (six électeurs sur dix). La victoire du FN signifie sa perte de crédit, sa perte de confiance. Les électeurs n'avaient de cesse de le menacer et les sondages sont au rouge pour lui depuis presque deux années. Et apparemment, les leçons tirées, hier, au cours d'une réunion d'urgence à l'Elysée, sont encore irrecevables, adossées à un programme qui n'a fait que plonger la France dans la récession et la sinistrose. La courbe du chômage au lieu de s'inverser comme il l'a promis, continue sa hausse. François Hollande doit faire face à trois fronts. D'abord le FN qui, appuyé par l'UMP, va maintenant vouloir capitaliser sur son triomphe. Jean-Marie Le Pen a déjà dégainé exigeant la dissolution de l'Assemblée nationale, la démission de Manuel Valls, le Premier ministre, pourtant le plus à droite des socialistes. Si les demandes du parti d'extrême droite ne sont jamais entendues, elles auront permis, selon des politologues français, d'ancrer dans les esprits que le bipartisme traditionnel, UMPS, est mort. Marine Le Pen espère tout le moins que cette tendance se fera sentir lors des prochaines élections régionales, déterminantes pour des qualifications à la présidentielle dans deux années. Ensuite, le président français doit également faire face aux ailes du centre et de gauche de son propre parti qui n'ont pas manqué, ces derniers mois, de faire part publiquement de leurs désaccords sur le fond et la forme de sa gouvernance. Dans son propre camp, on revendique la politique de croissance économique, celle du respect de l'exception sociale et culturelle française et d'indépendance vis-à-vis de l'Atlantisme, pour laquelle il a coiffé au poteau Nicolas Sarkozy, le président aux idées du FN et de la mondialisation tous azimuts. Enfin, troisième défi, comment rassurer la communauté internationale "choquée" par le triomphe de Marine Le Pen en France ? Parmi tous les résultats européens, le choc électoral de la victoire du FN a retenu particulièrement l'attention des médias internationaux hier matin. Washington sur l'autorité d'un président face à la montée d'un parti raciste et de surcroît souverainiste et populiste. Quant à la bataille euro-américaine sur la question de la protection TTIP, de la vie privée sur Internet, Obama sait que rien n'a changé dès lors que le Parlement européen a gardé sa configuration et que les droites extrêmes n'y feront que de la figuration. Washington est dérangé par le fait que la montée de ces partis puisse alimenter le débat en cours sur ces questions en Europe, en France plus qu'ailleurs. Quelles incidences sur les relations franco-algériennes ? À ce propos quelle incidence pourrait avoir ce vote sur les relations franco-algériennes ? Peut-être pas grand-chose entre les Etats, mais la circulation des personnes pourrait subir son onde de choc. Manuel Vals, pensant donner le change à la victoire de Marine Le Pen, caresser dans le sens du poil des électeurs frontistes, un Français sur huit votants, pourrait donner un coup de vis supplémentaire aux Algériens demandeurs de visa. Ce qui est sûr, c'est qu'il fera preuve de plus de laxisme dans la lutte contre l'islamophobie, terrain de chasse de tout l'establishment, de droite comme de gauche, à l'exception du Front de gauche, et plus de pugnacité dans le contrôle de l'immigration du Sud méditerranéen. Et si la victoire de Marine Le Pen n'est qu'un subterfuge pour inséminer la peur en France ? À Strasbourg, le FN aura beaucoup à faire pour transformer sa victoire avec sa vingtaine de députés, contre trois auparavant. Pour que Marine Le Pen devienne influente, il lui faut un groupe parlementaire, ce qui passe par un accord avec des élus issus d'au moins 7 pays de l'UE. Chou blanc à présent, n'étant pas encore parvenue à convaincre d'autres membres de la peste brune à nouer une alliance, fut-elle europhobe. En attendant, elle est seulement assurée de toucher 10 000 euros par mois. D. B. Nom Adresse email