Moins d'un an après avoir frôlé l'implosion en raison d'une querelle de chefs, le principal parti de la droite française (UMP, opposition) est à nouveau en crise, déchiré sur l'attitude à adopter face à l'extrême droite. A l'origine de cette nouvelle crise qui survient à six mois des municipales, des déclarations de l'ancien Premier ministre François Fillon qui a renvoyé dos à dos ce week-end le Parti socialiste au pouvoir et le Front national, en conseillant en cas de duel électoral PS-FN de voter pour «le moins sectaire». En envisageant ainsi de voter pour un candidat du Front national, M.Fillon a foulé aux pieds la ligne officielle de son parti, consistant à refuser toute consigne de vote en cas de duel PS-FN («ni-ni») ainsi que celle, plus ancienne, du «front républicain» (choix du candidat non-FN). Cette stratégie du «cordon sanitaire» autour du Front national, jusqu'ici respectée par les partis de gouvernement en France, avait notamment permis l'élection triomphale de Jacques Chirac en 2002 face au dirigeant d'extrême droite Jean-Marie le Pen, qui a depuis laissé la place à sa fille Marine. Le président socialiste François Hollande est entré dans le débat qui interpelle la société française dans son ensemble en rappelant dimanche soir avoir voté Chirac en 2002, sans se poser de question. Car, a-t-il dit, face au FN, il y a «des règles», des «digues» et «des principes» à respecter. Hier, le Premier ministre Jean-Marc Ayrault est revenu à la charge, appelant les dirigeants de l'UMP à «dire non» au Front national, car, si «la fille Le Pen donne un visage plus avenant que son père, c'est parce qu'elle a un but, c'est d'arriver au pouvoir». Le revirement de M.Fillon, pourtant jusqu'ici considéré comme un «modéré» au sein de l'UMP (Union pour un mouvement populaire), a provoqué un séisme au sein de la droite, à six mois d'élections municipales où le Front national pourrait réaliser une percée historique, selon les sondages. Le FN a même affiché son ambition de devenir le premier parti de France au scrutin européen qui suivra, en juin. «C'est l'avenir de l'UMP qui est en jeu si on la laisse dériver vers l'extrême droite», a affirmé hier son président, Jean-François Copé, grand rival de François Fillon dans la perspective de la prochaine présidentielle de 2017. L'opposition entre les deux hommes avaient tourné à la guerre ouverte fin 2012 à l'occasion du renouvellement des instances dirigeantes du parti, orphelin de Nicolas Sarkozy, faisant craindre une scission finalement évitée de justesse. Tout le week-end, les ténors de l'UMP ont donné de la voix pour dénoncer la position de M. Fillon, jugée «incompréhensible» par l'ancien chef de gouvernement Alain Juppé. Autre ex-Premier ministre, Jean-Pierre Raffarin a rappelé que «le vote FN était une ligne de fracture pour l'UMP». Du côté des centristes, alliés traditionnels de l'UMP, l'ambiance est à la consternation. L'UMP avec comme «prétention d'incarner la droite et le centre est morte cette semaine», a jugé le parton du mouvement UDI (Union des démocrates et indépendants) Jean-Louis Borloo. Ironie de l'histoire: François Fillon n'avait eu de cesse ces derniers mois de dénoncer la «droitisation» de l'UMP, défendue à la fois par Nicolas Sarkozy lors de la dernière présidentielle et par Jean-François Copé. Sur le fond, l'ancien Premier ministre de Nicolas Sarkozy joue sur du velours: selon un sondage BVA pour la chaîne I-Télé 70% des sympathisants de droite approuvent son revirement, dont 72% des sympathisants UMP. Dimanche soir, en meeting à Marseille (sud), Marine Le Pen a proclamé la mort du «soi-disant front républicain» et de la «funeste bipolarisation de la vie politique» française, se félicitant d'avoir approfondi la présence du FN «dans tous les débats politiques, dans les débats entre Français, d'être incontournables!».