Deux jours durant, les 10 et 11 mai derniers, Istanbul s'est transformée en capitale de l'ijtihad et du qiyas, avec la participation d'une délégation algérienne composée de théologiens et de professeurs en droit islamique. Le Palais des congrès d'Istanbul a ainsi abrité une conférence internationale sur le sujet, organisée par les deux magazines Hira et Yeni Ümit, supports médiatiques du mouvement Hizmet, en présence d'une assistance estimée à plus de 1 000 théologiens, universitaires et officiels venus de plus d'une centaine de pays dont l'Inde, l'Afghanistan, la Jordanie, le Soudan, l'Arabie saoudite ou encore le Maroc, la Tunisie, le Nigeria et la Turquie, évidemment. Pour rappel, le mouvement Hizmet ou Khidma, en arabe, découle en droite ligne de la pensée de Fethullah Gülen, imam et prédicateur turc, l'inspirateur du mouvement Gülen, aussi appelé Hizmet qui préconise davantage l'école à la mosquée. Ijtihad, l'effort personnel, et qiyas, le raisonnement par analogie, considéré comme la quatrième source du droit musulman, ont ainsi été au centre des débats des présents pour que la pensée islamique soit un credo dans la communauté de l'Islam, comme l'a souligné Samir Boudinar, directeur du Centre d'études et de recherche humaines et sociales Oujda (Cerhso). L'ijtihad et la façon de l'utiliser dans la vie quotidienne pour sortir des clivages et résoudre les conflits, sont également l'interrogation qui a été reprise en boucle par les interventions protocolaires en ce samedi 10 mai. L'unanimité a été aussi dans l'opportunité d'une telle réflexion par rapport à l'actualité du monde musulman. La lettre de Fethullah Gülen, lue pour la circonstance, abonde dans le même sens puisqu'il dit : "Nous ne serons jamais à court de solutions et des réponses aussi longtemps que ces riches sources sont disponibles avec leurs portes ouvertes pour ceux qui sont en mesure d'en bénéficier", faisant référence à l'effort personnel et le raisonnement par analogie. Le professeur Tidjani el-Meskine, du Nigeria, a appelé, lui, à l'unicité dans la diversité pour se regrouper derrière la vérité et trouver les solutions idoines aux problèmes de ce monde. Il évoquera la situation peu reluisante des pays islamiques en donnant l'exemple de ce qui se passe en Syrie, en Palestine, en Thaïlande et en Egypte, entre autres foyers de tension. Pour Abderrazak Guessoum, président de l'Association des oulémas musulmans algériens, le monde musulman a besoin d'un effort collectif et d'utiliser la réflexion pour aboutir à la solution. Selon lui, la crise du monde islamique est d'abord une crise intellectuelle. Du côté des Algériens, on a noté la présence de Saïd Bouizri, professeur en sciences et droit juridique à l'université de Tizi Ouzou, ou encore celle de Mohamed Kacimi, cheikh de la zaouïa d'El-Hamel ainsi que d'autres invités venus d'horizons divers. Cette conférence se veut, quelque part, une tentative d'unifier la vision des musulmans à propos de questions relatives à la religion, mais aussi concernant des sujets profanes et politiques. Une manière de proposer une autre version de l'ijtihad et du qiyas loin des fetwas cathodiques qui fleurissent chaque jour, balancées par des prédicateurs pas toujours inspirés. Pour rappel, Hizmet est présente aussi dans 160 pays à travers un réseau d'un millier de centres éducatifs entre écoles et universités privées. On retrouve le Mouvement en Asie centrale et en Afrique en passant par l'Europe et les Etats-Unis d'Amérique où est implantée plus d'une centaine d'établissements agréés. Il est accusé par le Premier ministre turc Recep Tayyip Erdogan de comploter contre lui. En mars, le Parlement turc a adopté une loi fermant un réseau d'écoles privées dont 2 000 sont gérées par le mouvement et qui représentent pour lui, au-delà de l'aspect éducatif, une importante source de revenus. Erdogan, qui a juré la perte de celui qui fut, il n'y a pas si longtemps, un allié de circonstance, a, d'ores et déjà, commencé une purge au sein de l'appareil judiciaire et policier d'éléments soupçonnés d'appartenir au mouvement güléniste. Il a ainsi limogé des centaines de policiers et de magistrats "suspects", alors que Fethullah Gülen dément toute responsabilité dans le lancement des enquêtes sur la corruption au sein du gouvernement. S O Nom Adresse email