Les craintes de Washington sont désormais partagées dans toute la région : si l'Etat irakien se désintègre, ses voisins ne sortiront pas indemne. Et la carte du Moyen-Orient sera inévitablement redessinée. Et c'est justement sur cette dangereuse perspective qu'à joué le Premier ministre irakien, Nouri al-Maliki, pour se maintenir au pouvoir. Apparemment, il semble y avoir réussi puisque son départ n'est plus une exigence chez les Américains dont le secrétaire d'Etat, John Kerry lui a dit lors de son dernier périple dans la région, se contenter d'un simple ripolinage de son pouvoir en s'ouvrant aux sunnites qu'il discrimine depuis 2006, lorsque l'administration d'occupation US lui avait remis les clefs de Bagdad. La gouvernance d'al-Maliki a causé la désintégration effective de la nation irakienne. La guerre qui fait rage entre une insurrection sunnite menée par l'extrémiste EIIL (Etat islamique en Irak et au Levant) et le gouvernement de Bagdad dominé par des chiites n'a pas inquiété seulement les Etats-Unis et d'autres pays au Moyen-Orient mais, inexorablement, le monde. Après avoir défié les récriminations de Barack Obama, et une fois le danger djihadiste à moins d'une centaine de kilomètres de Bagdad, al-Maliki a lâché du lest en acceptant la formation d'un gouvernement d'union. En fait, il a été désavoué par le plus haut dignitaire chiite d'Irak, l'ayatollah Sistani. Il avait, avant la visite de John Kerry dans la région, écarté les accusations de Washington selon lesquelles la persécution de partis politiques sunnites par son régime ont fait le lit des djihadistes, il avait également rejeté la pression de Barack Obama pour qu'il démissionne de son poste afin de permettre la formation d'un gouvernement "d'unité nationale". En lieu et place, il a choisi de faire appel à l'aide de milices chiites en Irak, menaçant de recourir à l'assistance du régime chiite iranien et de la Russie. Al-Maliki, qui a dénoncé Barack Obama pour n'avoir pas fourni à l'Irak les jets de combat F-16 commandés après le retrait des militaires US en 2011, a menacé de faire ses emplettes militaires en Grande-Bretagne, en France et en Russie. Ce dernier pays lui a, par ailleurs, livré cinq avions de combat Sukhoi, sur une douzaine commandés. L'administration américaine, échaudée par les conséquences de l'invasion de Bagdad en 2003, pour le moment, s'est contenté de l'envoi de 300 membres de ses Forces spéciales pour conseiller les militaires irakiens assiégés. Des drones surveillent l'avancé de l'EIIL en attendant de frapper leurs campements. Barack Obama qui ne fait plus confiance à al-Maliki, a attendu le 1er juillet pour ordonner ou pas des frappes "chirurgicales" en Irak. Mais, tout semble indiquer que les factions politiques chiites utiliseront la session du 1er juillet des Parlements irakiens pour réunir un autre gouvernement à "dominante chiite", dirigé par Maliki ou par un autre. La plupart des politiciens sunnites n'y assisteront pas, et les représentants des partis nationalistes kurdes qui dirigent le nord de l'Irak comme région autonome ont déclaré qu'ils vont sans doute boycotter le Parlement. La première victime sera la Syrie Si l'EIIL n'est pas stoppée, la première victime hors Irak, serait, selon des spécialistes, la Syrie voisine. Leur argument : les djihadistes irakiens déployés en Irak depuis le début de l'année ont été réunis et armés en Syrie, ils faisaient partie des forces que les USA, les puissances européennes, la Turquie, l'Arabie saoudite et les états du Golfe avaient utilisées pour tenter de vaincre le régime du Président Bachar al-Assad soutenu par la Russie, l'Iran et le Hezbollah libanais. L'impérialisme ne retenant pas les leçons de l'histoire, Washington vient de prendre une décision qui ne peut que jeter de l'huile sur le feu de la guerre en Syrie, et, par voie de conséquence, également en Irak : Barack Obama a demandé jeudi à son Congrès un budget d'un demi-milliard de dollars pour financer l'entraînement et l'armement de milices dites "modérées", participant à la campagne militaire sous commandement sunnite contre le gouvernement Assad. Ça ne doit être qu'un toute petit poignet puisque aussi bien l'ALS (Armée libre syrienne) que d'autres groupuscules ont disparus voilà plus d'une année en faveur d'al-Nosra, proche d'al-Qaïda, et qui vient de faire allégeance à l'EIIL qui a menacé de massacrer la population chiite dans les zones de l'Irak qu'il cherche à ériger en un Califat qui inclut par ailleurs de grandes parties de la Syrie et du Liban, voire de la Jordanie. Plus tard sur tout le Moyen-Orient, jusqu'aux Lieux saints de l'Islam. En attendant, al-Maliki qui formule depuis son entretien avec John Kerry la lutte contre l'EIIL en termes non moins sectaires, la décrivant comme une "guerre sainte contre le terrorisme", chauffe les chiites. Des dizaines de milliers de combattants de milices chiites se sont mobilisés pour aller défendre des lieux saints chiites à Samara (site de la mosquée al-Askiriya, un des lieux saints chiites les plus vénérés). Bagdad, Nadjaf et Kerbala (deux autres lieux saints du chiisme), et des milliers d'autres seraient en train de rentrer de Syrie, où ils combattaient aux côtés de l'armée syrienne et du Hezbollah libanais. Bagdad a annoncé commencer à reprendre la main. Les unités de son armée sont déployées contre les rebelles sunnites au nord, à l'ouest et à l'est de Bagdad, avec l'assistance tactique de conseillers militaires iraniens de la présence de forces d'élites iraniennes al-Qods et du Hezbollah, intégrées dans des unités de l'armée irakiennes sur les lignes de front. Le Président iranien Hassan Rouhani, qui a offert sa collaboration au Pentagone, a déclaré publiquement que l'Iran n'hésitera pas à défendre les Lieux saints. Si Samara, Najaf et Kerbala tombaient aux mains de l'EIIL, ou si leurs mosquées et mausolées subissaient des dégâts, il est quasi certain qu'un déploiement militaire iranien très important aurait lieu en Irak. Bruits de bottes iraniens et du Hezbollah Le Hezbollah libanais a également réaffirmé qu'il enverrait des milliers de combattants si les lieux saint chiites étaient menacés. Ces bruits de bottes iraniens et du Hezbollah, conjugué à la contre-offensive de Damas qui a marqué des points contre le djihadisme sunnite, sont le prélude d'une escalade de guerres régionales. Les monarchies sunnites du Moyen-Orient, ouvertement favorables au soulèvement sunnite irakien et qui ont armé les rebelles sunnites syriens, y compris l'EIIL, sont en train de mobiliser leurs forces militaires. La Jordanie a déployé des tanks et des milliers de soldats le long de sa frontière avec l'Irak, sous prétexte de s'assurer que les passages ne tombent pas aux mains des djihadistes. L'armée saoudienne aurait, de son côté, déplacé ses forces vers sa frontière avec l'Irak. Suite à la visite de Kerry en Egypte, le président al-Sissi, a annoncé qu'une force opérationnelle des forces spéciales égyptiennes avait également été envoyée à la frontière Irak-Arabie saoudite. D'autres états régionaux cherchent également à exploiter la désintégration de l'Irak pour faire avancer leurs intérêts stratégiques. Le ministre des AE israélien Avigdor Lieberman a dit au secrétaire d'Etat Kerry qu'il a rencontré à Paris que la séparation du gouvernement régional autonome kurde d'avec l'Irak était une conclusion connue d'avance et qu'Israël reconnaîtrait sa déclaration d'indépendance. Depuis 2003, Israël cherche à faire des Kurdes un allié contre l'Iran et la Syrie, qui ont tous deux des minorités kurdes dans des zones stratégiques de ces pays. La Turquie a essayé d'en faire de même. Des relations de proximité existent entre le gouvernement turc et la région kurde pour l'exploitation et l'exportation du pétrole du nord de l'Irak. D. B. Nom Adresse email