La situation se corse : les djihadistes, soutenus par une partie de la population sunnite, menacent Bagdad, les brigades chiites de Sadr s'apprêtent à prendre les armes, Nouri al-Maliki est mis en minorité dans son propre camp chiite et les Kurdes souhaitent élargir leur part du gâteau. Une situation complexe, inextricable, qui pose la question de la survie du pays tel qu'il a existé jusqu'à l'offensive de l'EIIL. L'Irak risque de connaître une partition si la situation continue à se dégrader, un scénario il est vrai envisageable depuis l'invasion par les Etats-Unis en 2003, et devenu de plus en plus crédible à mesure que les années sont passées, notamment depuis 2006 lorsque Nouri al-Maliki a remplacé l'administration américaine. Celui-ci devait immédiatement mettre en route son projet d'exclure la minorité sunnite en renvoyant ses représentants du gouvernement, de l'administration et des services publics. Certains ont même été incarcérés. Il n'en fallait pas plus pour remonter les sunnites et les jeter dans les bras des djihadistes en embuscade. Les djihadistes de l'EIIL qui ont lancé un assaut fulgurant ce mois de juin et envahi une très grande partie du territoire des frontières du Kurdistan, de la Syrie et de la Turquie, au centre de l'Irak. Ils semblent décidés à poursuivre leur avancée et à faire tomber Bagdad la capitale. Les chiites, qui s'interrogeaient sur la rapidité d'action de ces groupes terroristes d'à peine 7000 hommes qui a réussi à défaire l'armée nationale composée de 200 000 soldats, ont mesuré les conséquences de la politique de Nouri al-Maliki. Les djihadistes ont en effet reçu une aide précieuse : outre la livraison d'armes par le biais de circuits terroristes et les équipements militaires abandonnés par l'armée irakienne en fuite, ils ont reçu le soutien d'une très grande partie de la population sunnite du nord du pays qui a saisi l'occasion pour tenter de se débarrasser de la domination du pouvoir central chiite. Les deux branches de l'islam s'affrontent donc à nouveau, mais cette fois-ci l'issue risque d'être fatale pour le pays. Rien n'empêchera les sunnites de proclamer leur autonomie, voire leur indépendance. Depuis le début de leur offensive le 9 juin, les insurgés ont mis la main sur Mossoul, deuxième ville du pays, une grande partie de sa province Ninive, de Tikrit et d'autres secteurs des provinces de Salaheddine, Diyala et Kirkouk, et ont avancé à l'ouest, vers la Syrie où la prise du poste frontière d'Al-Qaïm représente un succès important. Il n'existe plus qu'un point de passage qui échappe à l'EIIL sur les 600 km de la poreuse frontière entre l'Irak et la Syrie, contrôlé par les forces kurdes. Les djihadistes ne s'arrêteront pas, eux qui ambitionnent de créer, dans une première étape, un Etat islamique dans une zone située à cheval entre la Syrie et la partie chiite de l'Irak. Point de départ d'un califat plus vaste. Le président américain Barack Obama, bien informé, a déclaré que la Jordanie est sous la menace. Et pendant que les djihadistes de l'EIIL et les autorités de Bagdad se combattent, les Kurdes pourraient également bien tirer leur épingle du jeu. Ils ont d'ailleurs fait avancer leurs pions pour constituer le Grand Kurdistan. La prise de la ville de Kirkouk démontre bien que cette option est crédible : le drapeau kurde a été hissé sur des bâtiments officiels. Le dépeçage de l'Irak obéit au fumeux GMO que George W. Bush voulait établir dans la région. Après avoir envahi Bagdad, le prédécesseur d'Obama avait divisé l'Irak en trois, au nord les Kurdes, au sud et au centre les chiites et à l'ouest les sunnites. Reste maintenant à savoir face au débordement de l'EIIL, si Obama, pressé par ses alliés occidentaux et arabes, va intervenir. D. B. Nom Adresse email