Le Premier ministre turc a choisi d'apparaître en affiche à côté de Mustafa Kemal Atatürk. Recep Tayyip Erdogan a ouvert sa campagne électorale en vue de la présidentielle, prévue en août dans la ville de Samsun, symbole de la Turquie moderne initiée par le père-fondateur de la laïcité turque. Le choix de Samsun est parlant en lui-même. C'est dans ce port de la mer Noire qu'Atatürk avait engagé la guerre d'indépendance de la Turquie contre les puissances étrangères en 1919. De ce fait, le chef islamo-conservateur n'aura retenu des principes de l'icone turque que les positions nationaliste et souverainiste, qui ne sont pas du tout connotées de laïcisme. Islamo-conservateur, chef de l'APK, (Parti de la justice et du développement), un parti islamiste proche des Frères musulmans, au pouvoir depuis douze années, Erdogan a, par ailleurs, promis qu'il serait un chef d'Etat doté d'un "pouvoir fort", capable d'engager la Turquie dans une nouvelle étape. Ses opposants et tous les observateurs, à Ankara, Istanbul et dans les capitales européennes, ne se font pas d'illusions. Erdogan, âgé de 60 ans, l'homme politique le plus populaire, devrait remporter facilement le premier tour de la présidentielle le 10 août et s'attèlera à imposer ses valeurs religieuses islamistes au détriment du régime laïque du pays. Le futur président n'a pas précisé le sens de la nouvelle direction qu'il va imposer à la Turquie, mais ses militants eux ont immédiatement compris lorsqu'il a martelé à son premier meeting : "Nous faisons le premier pas vers un nouveau départ, 95 ans après le kémalisme." Le Premier ministre, qui a annoncé le 1er juillet sa candidature à la présidentielle, a été acclamé bruyamment, chaleureusement par la foule islamiste, agitant des bannières de l'AKP. Pour devenir maître à bord, Erdogan a annoncé qu'il allait renforcer les pouvoirs du président, qui sera élu pour la première fois au suffrage universel, alors que cette fonction, exercée par le président sortant Abdullah Gül, co-fondateur avec Erdogan de l'AKP, était jusque-là principalement protocolaire. Les deux hommes clés du parti islamiste ont toujours fonctionné en binôme, il n'est pas exclu qu'ils procèdent comme Poutine et Medvedev en Russie qui ont permuté dans les fonctions de président et de Premier ministre. A Ankara, les paris sont lancés sur la nomination de Gül comme chef du gouvernement d'Erdogan. Ce jeu de chaises musicales et la volonté affichée, assumée, d'Erdogan d'étendre son pouvoir de président suscite des inquiétudes dans le pays. Pourtant, le numéro un de l'AKP, qui répète aujourd'hui qu'il est impossible d'être le chef de l'Etat et de rester assis à ne rien faire, a dû faire face à un scandale de corruption touchant des proches du régime et à une forte contestation, marquée par des manifestations, ses adversaires lui reprochant son autoritarisme et son aversion de la démocratie universelle. D. B. Nom Adresse email