Après avoir raté les deux premiers tours où il devait avoir la majorité des deux tiers, Abdallah Gül, candidat d'AKP, parti issu du courant islamiste, devrait être élu aujourd'hui à la majorité simple, sans difficulté. Si lors des premier et second tours, il lui fallait 367 voix sur les 550 que compte le Parlement, Abdallah Gül n'a besoin cette fois-ci que de 276 voix, ce qu'il pense avoir facilement d'autant plus que son parti, majoritaire au sein de l'Assemblée turque, dispose de 341 députés. Un nombre largement suffisant pour que le bras droit du Premier ministre et fondateur de AKP, Recep Tayyip Erdogan, soit élu président de la Turquie. Surtout que ces deux rivaux, à savoir Sabahattin Cakmakoglu du Parti de l'action, et Hüseyin Tayfun Içli du Parti de la gauche démocratique, ont obtenu respectivement lors du deuxième tour de vendredi dernier 71 et 14 voix, soit une de plus pour chacun par rapport au premier tour. La victoire attendue de Abdallah Gül serait une cinglante revanche de lui-même et de son parti AKP sur le camp des laïcs et de l'armée qui ont fait avorter le premier tour de l'élection présidentielle qui s'était tenu en avril 2007. Ils avaient refusé sa candidature parce que sa femme porte le foulard, ce qu'ils considèrent comme une atteinte à la laïcité turque et aux principes républicains hérités d'Atatürk. Cela a créé une crise politique entre les deux camps. Crise qui a été exacerbée par l'armée qui avait déclaré qu'elle n'hésiterait pas à intervenir en cas de remise en cause de la laïcité turque. Des élections législatives anticipées ont été convoquées sur fond de manifestations de masse pro-laïques. Ces élections anticipées ont eu lieu le 22 juillet dernier, desquelles AKP est sorti grand vainqueur en obtenant plus de 46% des voix exprimées. Cette victoire a donné du tonus aux dirigeants d'AKP. La désignation de Abdallah Gül comme candidat d'AKP s'est annoncée comme un véritable défi aux militaires et aux laïcs, à l'origine de la crise d'avril dernier. Si cette fois-ci l'élection se déroule dans le calme, les laïcs purs et durs demeurent néanmoins sceptiques et s'inquiètent de la présence d'une première dame portant le foulard islamique au palais présidentiel de Cankaya, lieu hautement symbolique du laïcisme turc. S'il est élu, Abdallah Gül sera le 11e président de la République turque. L'armée turque a orchestré plusieurs coups d'Etat, faisant tomber à chaque fois le président qui ne correspondait pas au profil souhaité. Sa dernière intervention remonte à 1997 quand elle avait poussé à la démission le Premier gouvernement turc à avoir comme Premier ministre un islamiste, Necmettin Erbakan, ancien mentor de MM. Gül et Erdogan. Le parti de M. Erbakan ayant été interdit par la suite, ainsi que celui qui lui a succédé, un groupe de jeunes députés modernistes s'était alors rallié à M. Erdogan pour renoncer à l'Islam politique et former l'AKP, parti qui se définit comme démocrate conservateur. Depuis son arrivée au pouvoir en 2002, AKP a redressé l'économie turque en ramenant la croissance à plus de 7%. Il a également mené des réformes multiformes afin que la Turquie soit conforme aux standards européens dans tous les domaines. Et ce, en prévision de son adhésion future à l'espace économique européen.