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Attribution du logement social
L'arbitraire à l'origine de la contestation !
Publié dans Liberté le 09 - 07 - 2014

Pas la moindre commune d'Algérie ne fait exception. L'affichage de la liste des attributaires du logement social précède, quasi automatiquement, la protestation, manifestée sous des formes diverses, sit-in, route et daïra fermées, allant jusqu'à l'émeute violente.
Qui attribue le logement et qui en bénéficie ? Comment est attribué le logement social et pourquoi conteste-t-on cette attribution ? Voilà ce à quoi nous tenterons de répondre afin d'élucider ce phénomène de la contestation devenu un sport national. Premier constat des investigations sur le terrain, l'arbitraire dans l'attribution s'installe dès lors que les textes balisant l'opération sont finalement réduits à des références formelles, à double tranchant : au profit ou au détriment du postulant. C'est selon...
Au commencement, une commission d'attribution "douteuse"
Ainsi, concernant "l'autorité'' habilitée à élire le bénéficiaire, la composante n'est généralement pas celle édictée par le texte, avec une commission de daïra, présidée par un chef de daïra, siégeant en présence du président de l'APC concernée par le quota de logement à distribuer, des représentants du directeur de wilaya chargé du logement, du directeur de wilaya des affaires sociales, de l'OPGI, de la CNL, ainsi que de celui de l'Organisation des moudjahidine.
Dans la pratique, on conjugue toujours avec les quotas réservés, notamment aux victimes du terrorisme, dont l'orientation aux communes d'origine reste une grande énigme. La dispense d'examen de leur dossier d'éligibilité à l'accès au logement social reste un précédent mal vu par les "exclus".
Au préalable de l'association de la société civile, de connivence avec le chef de daïra, le président de l'APC dresse sa "liste". Vient ensuite le travail des soi-disant représentants de la société civile, évidemment triés sur le volet par le P/APC, et qui ne représentent, en fait, que leur personne.
Pratique devenue courante ces derniers temps, la virulence des "grosses gueules" et des protagonistes dans la contestation qui ameutent leurs concitoyens pour fermer route, mairie ou siège de daïra, est désamorcée par cette association qui assiste le chef de daïra pour élire ou exclure le postulant au logement.
Non seulement ils sont capables de vous exclure en avançant des critères "bidon" en vous attribuant l'aisance financière d'un proche parent ou en vous déclarant étranger à la commune, ils peuvent aussi passer votre cas sous silence si le chef de daïra plaide votre cause.
Mais ils sont également les premiers à se servir pour remplacer les exclus objet de recours introduits par leurs pairs postulants, souvent sous le couvert de l'anonymat.
Des recours sous forme de délation
À propos de recours, il faut savoir que de nombreux postulants, quoique se sachant "théoriquement'' éligibles à la faveur de leur situation et des critères réglementaires, s'abstiennent d'introduire le moindre recours ; ce dernier ayant été réduit à un acte de délation qui ne profite pas au plaignant, mais plutôt aux membres de la commission auxquels on offrira l'occasion propice pour servir qui ils veulent en remplaçant les malheureux exclus.
À la merci de l'arbitraire, de l'incompatibilité d'humeur, ou des "on-dit", vous risquez ainsi l'exclusion pour votre homonymie ou votre proche parenté avec le maire, ses adjoints, ou un quelconque nanti.
Au même titre que l'arbitraire caractérise cette attribution, les postulants à l'accès au logement, à défaut du canal de la corruption, s'arment de ruse et de subterfuges pour devancer les concurrents. À dire vrai, des ruses qui ne trompent que celui qui consent sciemment à se prêter au gogo. Illustration : en 2014, un militaire présente un relevé des salaires de 13 000 DA datant de l'année... 2003. "Il s'agit d'un dossier introduit en cette année-là", nous dira le chef de daïra de Bouguirat, défendant la cause d'un tel postulant, avant d'expliquer que les textes en vigueur ne prescrivent pas l'actualisation des pièces composant le dossier du demandeur.
"Y a-t-il actuellement un militaire qui soit rémunéré au Smig ?", se sont interrogés les membres de la commission ayant sollicité son exclusion. "Si on classait les postulants selon le barème de notation réglementaire, l'opération serait simple et n'indisposerait personne !", nous dira un autre membre de cette même commission, outré par l'égoïsme de ses pairs. Malheureusement, ce n'est point le cas, et le peu de réels "nécessiteux" est submergé par les faux en surnombre.
Les forces de l'ordre au secours des responsables introuvables
Aussitôt affichée, la liste des heureux bénéficiaires est arrachée sur-le-champ. Curieusement, l'affichage se fait souvent la veille du week-end, laissant les contestataires en butte à une administration close jusqu'au dimanche, le temps que la colère des mécontents s'atténue et se désamorce. Rares sont ceux qui ont le temps de consulter la liste avant son arrachage, et évidemment, ce sont les on-dit et la rumeur qui prennent le relais dans l'animation de la chronique locale. Au comble de la colère de la rue, les responsables locaux s'éclipsent, introuvables et injoignables, laissant les forces de l'ordre se débrouiller, seules, dans la gestion du mouvement contestataire. Au siège de la daïra ou à la mairie, les cabinets des chefs deviennent inaccessibles. Les accès y menant sont bloqués, au moyen de portes parfois cadenassées, sinon par les policiers, ou par la foule de protestataires ameutés.
Une foule confuse de jeunes et de femmes accompagnées d'enfants, qui tournent en rond, se regroupent puis se dispersent afin de reconstituer de nouveaux groupuscules. Les policiers, en uniforme ou en civil, opèrent discrètement pour calmer les esprits et désamorcer l'escalade éventuelle. Dans la masse incongrue, il n'y a pas que des "exclus légitimes" de la liste.
Les "omis", malgré leur situation amplement éligible au bénéfice d'un tel logement, sont généralement une maigre minorité. À leur grand dam, ils sont submergés de faux, d'indus et d'inéligibles, à l'instar de nantis connus qui, de surcroît, bien que plutôt concernés par l'aide de l'Etat octroyée pour la construction du logement rural, viennent de la campagne pour bousculer les citadins quant à l'accès au logement social.
Dans le lot, il y a également des attributaires, doutant vraisemblablement de leur bonne étoile lors de l'établissement de la liste, qui viennent juste pour confirmer que la liste ne va pas être annulée sous la pression de la contestation. Tout comme on retrouve les "espions" diligentés par le président de l'APC fuyard pour s'enquérir de loin de l'évolution du mouvement protestataire. Les meneurs sont discrètement épinglés. "Travaillés" et mis en condition, ils ne tarderont pas à tourner casaque car ils seront conviés à intégrer la commission appelée à infirmer ou confirmer les recours introduits.
Au sein de la commission, on aura beau changer les individus, les devises demeureront les mêmes, à savoir le "chacun pour soi et pour les siens", ou "ménage-moi si tu veux que je te ménage". Il semble qu'on n'a pas encore débusqué le bon représentant qui observe l'équité entre concitoyens postulants. Ainsi va la vie en Algérie : on affiche la liste, on l'arrache. On crie sa colère en fermant mairie et daïra. On se disperse. Et l'ambiance s'apaisera, dans l'attente d'une nouvelle bataille, à l'occasion d'un prochain quota à distribuer...
M O T
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