Quand chiites et sunnites font jonction

Conciliante lors du déclenchement de l’invasion de l’Irak en Mars 2003, la communauté chiite, qui espérait secrètement la liberté après la chute du régime de Saddam Hussein, est sortie finalement avec fracas de son mutisme. Il a fallu un appel à la rébellion du jeune imam Moqtada Sadr pour que l’Irak se transforme du jour au lendemain en véritable poudrière. Seuls résistants jusque-là , les sunnites reprennent de plus belle leur offensive contre l’occupant, comme en témoignent les événements de Falloudjah, où avec très peu de moyens de guerre ils tiennent en échec pendant plusieurs jours l’armada américaine appuyée, il faut le signaler par l’aviation. Cette jonction entre ces deux communautés, redoutée par la coalition, a fini par se produire tant l’oppression a été un seuil intolérable pour le peuple irakien. C’est un véritable défi qui est lancé à l’Administration Bush. Vendredi, les imams chiites et sunnites se sont pratiquement donné le mot à voir leurs appels à mettre fin à l’occupation. Moqtada Sadr s’est adressé par le biais de l’un de ses adjoints à Koufa, en ces termes au président américain : “Je m’adresse à mon ennemi Bush. Tu combats maintenant toute une nation, du nord au sud, d’est en ouest, et nous te conseillons de retirer tes troupes d’Irak.� À Bagdad, l’imam sunnite de la mosquée Oum Al-Qora, le cheikh Hareth El-Dari a lancé un appel à une grève générale de deux jours en signe de protestation contre l’occupation américaine et a demandé aux Américains de “cesser leur politique du fer et du feu�. Ce religieux a surtout appelé au “djihad� tout en insistant sur la nécessité de secourir la population de Falloudjah en lui faisant parvenir notamment des médicaments. Des banderoles affirmant la solidarité des sunnites du Nord avec les chiites du Sud étaient accrochées aux abords de la mosquée. Même le grand ayatollah Ali Sistani, qui s’était contenté jusque-là d’appels au calme s’en est pris à la coalition par la voix de l’un de ses représentants, le cheikh Ahmed Safi. À Kerbala, ce dernier a fustigé la coalition en critiquant les méthodes de ses forces sur le terrain. “Les forces de l’occupation assument une lourde responsabilité dans ce qui se passe actuellement en Irak�, a-t-il lancé aux fidèles de la prière du vendredi. Un an après la déchéance de Saddam Hussein par les Américains, sunnites et chiites ont fini par comprendre que l’unité de l’Irak passait inévitablement par une entente entre eux. Aujourd’hui, même s’il n’existe pas encore de concertation entre les leaders de ces deux communautés, il a suffi qu’aux attaques contre les forces de la coalition des sunnites viennent s’adjoindre l’appel à la rébellion de l’imam chiite Moqtada Sadr pour que le doute s’empare de Washington, Londres et Tokyo.
K. A.