La visite entamée, hier, en Algérie, par le chef d'état-major des armées français, le général d'armée Pierre de Villiers, ne cesse d'alimenter les spéculations sur ses véritables objectifs. S'agit-il d'une simple visite inscrite dans le cadre de la coopération entre Alger et Paris, pour reprendre le jargon diplomatique, ou alors vise-t-elle à obtenir l'implication de l'Algérie dans une éventuelle intervention en Libye, comme tentent de l'accréditer certains milieux ? C'est parce qu'elle intervient dans une conjoncture particulière que cette visite prête à toute sorte de spéculation. D'abord, elle intervient dans un contexte de dégradation de la situation en Libye, livrée à une guerre infinie entre factions armées au milieu d'institutions fragilisées, où l'établissement d'un nouveau foyer terroriste inquiète les pays voisins et les Occidentaux. Ensuite, elle intervient quelques jours après la visite du patron de l'Africom. Enfin, elle intervient au lendemain des déclarations au Figaro du ministre français de la Défense, Jean-Yves Le Drian, dans lesquelles il estime que "la France doit agir en Libye et mobiliser la communauté internationale". Officiellement, la visite est programmée depuis longtemps, à l'invitation du général de corps d'Armée Ahmed Gaïd Salah, vice-ministre de la Défense nationale, chef d'état-major de l'Armée nationale populaire (ANP). "C'est une visite ordinaire annoncée depuis la venue en Algérie du président français et qui s'inscrit dans le cadre des visites de responsables français", selon Ramtane Lamamra qui a évoqué des "concertations algéro-françaises sur de nombreux dossiers dont celui concernant la Libye dans le cadre de l'action de concertation menée par l'Algérie avec nombre de pays, en tant que pays pivot dans la région". "Les deux parties examineront l'état de la coopération militaire bilatérale, aborderont les questions d'intérêt commun et échangeront les analyses et points de vue sur les problèmes d'actualité revêtant un intérêt pour les deux pays", explique, de son côté, le MDN dans un communiqué. Mais le déplacement à l'Ecole d'application des forces spéciales à Biskra conjugué aux propos de Jean-Yves le Drian, estimant que le "dispositif militaire français au Mali pourrait être amené à ‘monter' vers la frontière libyenne et que tout cela se fasse en bonne intelligence avec les Algériens qui sont des acteurs majeurs de cette région et dont c'est aussi l'intérêt", ne sont-ils pas de nature à alimenter les spéculations sur les velléités de la France de préparer une action en Libye, même ciblée, et qui sera appuyée par l'Algérie ? "À mon avis, c'est beaucoup plus le timing et la conjoncture qui prêtent à la spéculation. Je me demande pourquoi on s'inquiète. Peut-être parce que la coopération a atteint un niveau opérationnel", analyse l'ex-ministre et diplomate, Abdelaziz Rahabi. "Concernant l'Algérie, personnellement, je peux vous dire qu'il n'y aura pas d'intervention, ni en Libye ni ailleurs. Ce n'est pas un problème doctrinal. D'abord, ce n'est pas une agression directe contre l'Algérie, ensuite, elle ne doit pas faire le ménage dans un imbroglio dont elle n'est pas responsable. Les Occidentaux ont armé les rebelles et n'ont pas accompagné la Libye dans sa transition. Ils n'ont qu'à en assumer les conséquences", dit-il. Même des opérations ciblées ne partiraient pas d'Algérie, selon lui. "Parce qu'on ne l'a pas fait. Ensuite, l'opinion nationale ne va pas accepter et, enfin, cela pourrait avoir des conséquences sur la stabilité du régime." Mardi, Ramtane Lamamra avait aussi exclu l'éventualité d'une intervention en Libye. "Aucune intervention militaire n'est prévue en Libye pour l'heure, mais il est question actuellement de réunir les Libyens à travers un dialogue national, une réconciliation nationale et la consolidation des institutions démocratiques." Nom Adresse email