Tewfik Hasni, consultant en transition énergétique, estime, dans cet entretien, que la "défaillance" du système de rémunération est une des causes de la "déperdition" de la ressource humaine à Sonatrach. Liberté : Pouvez-vous analyser l'évolution de la ressource humaine à Sonatrach ? Tewfik Hasni : Un ensemble de paramètres, conjugués ou pris séparément, permettent d'analyser la ressource humaine dans une entreprise comme Sonatrach. Et cela concerne tous les métiers et toutes les fonctions : personnel lié au métier, exploitants des installations (techniciens, managers)... On ne parle pas d'évolution, mais plutôt d'adéquation des ressources humaines avec le développement du métier de l'entreprise. Le rôle de la direction des ressources humaines est de cerner une bonne politique de gestion des ressources humaines. Il faut avoir une bonne vision sur les besoins en ressources humaines à court et moyen terme, et une planification relative aux effectifs. Autre chose, il y a spécificité dans la gestion des ressources humaines : il faut être aussi juste que possible en matière de rémunération au sein de l'entreprise, d'évolution de carrière, et d'intégration, se montrant rassurant quant à ces questions-là. La gestion des carrières devrait être l'outil le plus adéquat. Une évaluation précise des responsabilités et des obligations de chaque poste de travail. Cela permet de définir une grille de salaire objective. Un règlement intérieur qui précise les obligations de chaque acteur dans l'entreprise et les conséquences en cas de manquement. Le règlement donne aussi des droits en termes de salaire, de primes et avantages sociaux pour tout le monde. Cela avait été bien précisé par l'ancien PDG du groupe, Abdelhak Bouhafs, avec le plan de modernisation de Sonatrach arrêté à l'époque. Il est facile de vérifier ce qui a été fait et ce qui ne l'a pas été. Des techniciens préfèrent les compagnies étrangères à la Sonatrach. Quelle en est la cause ? Les techniciens préfèrent aller ailleurs parce qu'il ne trouvent pas ce qu'ils cherchent au sein de l'entreprise. On peut penser à une défaillance du système de rémunération, cela peut être le cas. Il y a aussi des injustices découlant du non fonctionnement des autres outils prévus plus haut et non développés. L'absence de gestion de carrière fausse en fait les règles de promotion des personnels. Du coup, il y a promotion de certains au détriment d'autres dans l'entreprise. L'injustice peut donc être aussi la cause de départs. Quelle est, selon vous, la pièce manquante dans la gestion de la ressource humaine au sein de la compagnie nationale ? Je pense avoir défini toutes les "pièces" de la gestion de la ressource humaine, je les ai nommées outils. Il faut vérifier si tous ces outils sont en place. La bourse de l'emploi dont s'est dotée Sonatrach ne semble pas avoir produit l'effet escompté. Pourtant, un tel mécanisme allait faire émerger des compétences...... L'émergence des compétences avait été abordée différemment dans le plan de modernisation de Sonatrach. Il fallait faire face au départ important de cadres retraitables. Ceci traduisait en fait une défaillance dans la gestion de la ressource humaine. En effet, la planification des besoins n'avait pas intégré le départ en retraite. On tient compte d'une déperdition des effectifs qui est normalisée : entre 5 à 10% par an en fonction de la situation économique d'un pays. La gestion des carrières fait l'objet d'un suivi par une commission du personnel qui établit les critères objectifs d'appréciation des paramètres requis pour occuper un poste. Le système de gestion de carrière aurait dû préparer par des actions de formation les agents potentiels pour occuper ce poste. La justice dans le traitement dans ce cas se fait au sein de la commission qui prend la décision de désigner le nouveau titulaire. Il y a le représentant de la structure de chaque candidat à cette commission. Le syndicat est représenté de fait. La bourse de l'emploi n'était pas un outil existant dans le système défini. Il a été créé en dernier. Le manque d'objectivité semble être la cause de l'échec d'un tel mécanisme. Pour revenir à l'ancien système, il faut dire que le recrutement des majors de promotions des différents grands centres de formation universitaires avait permis de regrouper près de 100 jeunes. Il était prévu de faire émerger les compétences du futur à partir de ce groupe. Ce processus n'a pas été mené à son terme.