Redoutant qu'une aide militaire aux Kurdes de Kobané, assiégés par Daech, ne se retourne contre elle, et sa lutte contre cette organisation terroriste ne profite au régime de Bachar al-Assad, auquel elle s'oppose fermement, la Turquie ne sait plus sur quel pied danser. Face à la demande américaine la pressant d'agir contre Daech, Ankara a rappelé hier par la voix de son Premier ministre, Ahmet Davutoglu, qu'elle était opposée à cette organisation terroriste, dont les combattants assiègent la ville syrienne kurde de Kobané, autant qu'il l'était au régime du président syrien Bachar al-Assad. "La Turquie est opposée à l'EI de la même façon qu'elle est opposée à Al-Assad", a déclaré le chef de l'exécutif turc devant la presse. "Al-Assad et l'EI sont tout autant responsables de tous ces événements tragiques", a-t-il souligné. "Personne ne peut prouver que la Turquie soutient l'EI", a également insisté hier Ahmet Davutoglu, alors que son pays est accusé par ses alliés d'avoir longtemps soutenu les mouvements syriens les plus radicaux, dont l'EI, pour accélérer la chute du régime de Damas. Ceci étant, en dépit du feu vert de son Parlement, le gouvernement turc refuse pour l'heure d'intervenir militairement contre Daech. Il justifie ses réticences à combattre l'EI par sa volonté de ne pas renforcer par ricochet la main du président Bachar al-Assad. Ankara exige, par contre, la mise en place d'une "zone tampon" doublée d'une zone d'exclusion aérienne le long de la frontière syro-turque afin d'accueillir les réfugiés et de protéger les secteurs du territoire syrien encore tenus par l'opposition modérée. Mais cette proposition, soutenue par la France, ne suscite guère l'enthousiasme de la Maison-Blanche et de l'Otan. Et pour Moscou, toute création d'une "zone tampon" nécessite un feu vert du Conseil de sécurité de l'ONU. Cette position turque irrite au plus haut point Washington, qui dirige la coalition internationale qui mène des frappes aériennes contre Daech. Face à cette situation, le département d'Etat US a affirmé que "des mesures urgentes et rapides sont nécessaires pour stopper les capacités militaires de l'EI" et le général John Allen qui coordonne la coalition, va "le dire clairement" aux responsables turcs. Dans cette optique, une équipe militaire américaine se rendra à Ankara la semaine prochaine pour des discussions avec des responsables militaires de la Turquie. Pas plus tard que jeudi, les Etats-Unis ont dépêché deux des responsables de la coalition à Ankara pour presser ses dirigeants de s'impliquer davantage. Les Etats-Unis pressent ainsi la Turquie de s'impliquer davantage dans la lutte contre le groupe Etat islamique qui menace sa frontière dans la ville stratégique syrienne de Kobané. "La Turquie est bien placée pour contribuer aux efforts de la coalition pour vaincre l'EI : coopération militaire, blocage des financements du terrorisme, juguler le flot de combattants étrangers, fournir une assistance humanitaire et délégitimer l'idéologie extrémiste de l'EI", a précisé la porte-parole du département d'Etat, Jennifer Psaki, dans un communiqué. Par ailleurs, l'émissaire spécial des Nations Unies pour la Syrie Staffan De Mistura a appelé hier la Turquie à laisser les volontaires kurdes syriens retraverser leur frontière pour porter secours à la ville de Kobané, attaquée par les jihadistes du groupe Etat Islamique. "Nous appelons les autorités turques à autoriser le flot de réfugiés à entrer dans la ville pour soutenir son action d'autodéfense", a dit l'envoyé spécial dans une conférence de presse à Genève, alors que la Turquie interdit pour l'instant aux réfugiés ayant traversé la frontière en venant de Syrie de la retraverser dans l'autre sens. Il a déclaré craindre un "massacre". "Vous vous souvenez de Srebrenica" dans l'ex-Yougoslavie, a-t-il ajouté. M. T.