Résumé : Malgré les insistances devenues routinières de Farès et des autres pensionnaires, Nora ne voulait pas trop s'immiscer parmi eux, ou partager leurs soirées. Elle ne savait pas encore que, deux mois auparavant, Achour était mort et enterré, et que ses enfants cherchaient après elle pour les besoins d'une lecture notariée. D'ailleurs, elle pensait sérieusement à quitter la pension et à s'installer chez Mme Claude, avant que sa grossesse ne soit apparente. L'œil expert de sa logeuse n'allait pas tarder à relever ce détail, et elle va devoir donner des explications. Fatiguée par tous ces événements qui se succédaient sans lui laisser de répit, elle savait qu'elle ne pouvait plus résister longtemps, et devrait prendre des décisions, et au plus vite. Un matin, elle parla à Mme Claude de l'éventualité de s'installer dans les prochaines semaines chez elle, et cette dernière ne cacha pas sa satisfaction de la voir enfin prendre la décision la plus sage. Nora déménage juste après la fin de son deuxième mois dans la pension. Elle n'avait prévenu Mme Robert qu'à la dernière minute, et cette dernière sera offusquée de la voir quitter aussi rapidement les lieux, alors qu'on commençait à s'habituer à sa présence. Quelques jours passent. Nora s'accommodait à sa nouvelle situation. Elle partageait maintenant les journées et les nuits de Mme Claude, qui s'avéra maternelle avec elle, et ira même jusqu'à surveiller ses habitudes alimentaires et son état de santé. La jeune femme n'était cependant pas rassurée sur son avenir. Mme Robert avait signalé sa présence dans la ville dès le premier jour de son aménagement dans sa pension. Elle avait pris son passeport, et l'avait déclarée au commissariat du quartier. De ce fait, on pouvait facilement retrouver sa trace si on se mettait à sa recherche. Elle craignait donc d'être convoquée à tout bout de champ. Mme Robert connaissait l'adresse de Mme Claude, et orientera sûrement la police en cas de besoin. Prise dans cet engrenage de craintes et d'incertitudes, Nora ne vivait plus. A vrai dire, elle tentait de survivre. L'idée de quitter la ville frôlait encore son esprit. Mais elle savait qu'elle n'aura pas la chance qu'elle avait eue en arrivant dans cette cité. Mme Claude comprenait parfaitement ses préoccupations. Elle ne cessait de lui prodiguer des conseils, afin d'apaiser ses appréhensions. Un soir, elle lui reparla de Yazid, et lui demanda pour la énième fois de le contacter. Elle était formelle. Selon ce qu'elle lui avait raconté, cet homme devait encore l'aimer, et elle ne perdra rien à renouer avec lui. Qui sait ? Peut-être était-il lui aussi en train de la rechercher ? Nora reprenait espoir en entendant ces mots mais pas pour longtemps. Elle déchantait rien qu'en pensant à cet enfant qu'elle portait en elle. Yazid n'acceptera sûrement pas l'enfant d'un autre, alors que lui-même n'avait pas eu d'enfant avec elle, après trois années de mariage. Ironie du sort. Ils voulaient tous les deux planifier leur vie. Les enfants pouvaient attendre. Ils étaient jeunes et avaient d'autres projets en tête. Et ne voilà-t-il pas que le hasard avait tout faussé. Jamais elle n'aurait cru, qu'un jour, elle serait mariée à ce vieil homme et, malgré ses précautions, tomber enceinte de lui. Elle était repassée chez sa gynécologue, qui l'avait rassurée sur l'état du bébé, mais pas du sien. Son anxiété était palpable. Et la tension qui émanait d'elle pouvait lui provoquer une fausse couche. Déjà qu'elle traînait une fatigue nerveuse depuis des mois et refusait d'entendre raison. Nora passe la main sur son ventre. Elle n'avait pas le droit de martyriser ce petit être qui lovait en elle. Il n'était qu'une victime lui aussi. Un jour peut-être il ira jusqu'à lui demander des comptes. Va-t-elle lui dire qu'elle n'avait pas voulu de lui, parce qu'elle n'avait jamais aimé son père ? Elle secoue la tête. Va-t-elle vivre assez longtemps pour l'élever et assurer son avenir ? Achour était trop vieux pour qu'elle puisse compter sur lui. Il voulait certes avoir un enfant d'elle... Il avait pensé surtout à l'héritage et à tous les biens qu'il devrait léguer à sa mort... Il n'aimait pas ses autres enfants... Elle en était plus que certaine, car il parlait d'eux comme s'ils étaient des étrangers... Cependant, ils étaient sa progéniture et portaient son nom. Elle était dans la cuisine où elle préparait le dîner. Mme Claude somnolait devant la télé et n'allait pas tarder à lui demander de la mettre au lit. Ces derniers temps, elle semblait un peu plus fatiguée. Les médecins avaient demandé à Nora de prendre soin d'elle, et de lui administrer ses médicaments dans les délais prescrits. La vieille souffrait de plusieurs maladies liées à son âge avancé. Ses jambes étaient inertes mais très douloureuses depuis plusieurs années, suite à une désastreuse opération chirurgicale pour le traitement d'une hernie discale. (À suivre) Y. H.