La campagne électorale des législatives tunisiennes est à son 12e jour et commence à être pimentée. Elle était si plate qu'elle donnait l'impression de se résumer en un duel entre le parti islamiste Ennahdha présidé par Rached Ghannouchi et Nidaa Tounes que préside le vieux routier Béji Caïd Essebsi, candidat à la présidentielle. A l'ouverture de la campagne, ces deux partis n'ont pas perdu de temps pour se lancer, dès les premières minutes, à afficher leurs intentions dans la course vers le Parlement n'omettant pas, au passage, de s'échanger les coups bas. Sur les sites d'affichage, seuls ces deux partis font le plein dans toutes les circonscriptions. Les autres brillent par leur absence à l'exception de quelques-uns, à l'instar du Front populaire (gauche) ou Al Joumhouri qui tentent, tant bien que mal, de s'accrocher aux trousses des deux grands, sans pouvoir les égaler, encore moins les dépasser. Pourtant, leurs dirigeants caressent le rêve de réaliser un sans-faute sans lequel ils ne reconnaîtront pas les résultats du scrutin, selon les dires de l'un des dirigeants du Front populaire, Zied Lakhdar, s'appuyant en cela sur la "popularité" de son parti. Est-ce un aveu camouflé d'impuissance de rivaliser avec les autres partis ou un moyen d'exercer des pressions sur l'Instance supérieure indépendante des élections (Isie) pour l'amener à redoubler de vigilance pour éviter d'éventuelles falsifications des résultats ? Ennahdha, malgré les déboires des gouvernements de la "troïka", reste un concurrent sérieux et dispose, encore, d'un électorat discipliné. Ses candidats multiplient les contacts directs avec les citoyens et se font entendre par leurs partisans lors de meetings fort suivis, en ayant recours à un nouveau discours conciliant qui traduit un revirement total du parti islamiste vers plus de modération. Faisant allusion aux déclarations de certains dirigeants de partis rivaux, en particulier de Nidaa Tounes qui est parvenu à investir certains fiefs du parti islamiste, le gourou, Ghannouchi, appelle au bannissement du discours semant la zizanie et les dissensions au sein du peuple. "Le peuple tunisien est, dans sa totalité, musulman", dit-il, en s'éloignant, ainsi, du discours divisant ce peuple en islamistes et laïcs et en appelant les autres à faire de même. Cette position est corroborée par l'intention du parti islamiste de ne pas accaparer le pouvoir, en cas de succès aux élections, allant jusqu'à accepter de composer avec les ministres de Ben Ali, position partagée par la plupart des autres partis, en particulier Nidaa Tounes qui considèrent que le salut de la Tunisie passe par la formation d'un gouvernement d'union nationale. Toutefois, des réserves se font entendre, parfois, de la part de certains partis tel Al Joumhouri qui considère que la révolution est menacée par le retour, sur la scène politique, des symboles de la dictature du RCD dissous qui "avait fait vivre au pays toutes les formes de désespoir, de la tyrannie et de la corruption". Dans ce cadre et en prévision de la prochaine étape, sept partis, de second degré et candidats aux législatives ont tenu, samedi, une réunion au terme de laquelle, ils ont abouti à un consensus sur les tâches prioritaires du prochain gouvernement. Durant ses trois premiers mois, ce gouvernement, estiment-ils, doit s'atteler à la tâche d'activer la décentralisation administrative, la réforme fiscale, l'impulsion de l'investissement et la lutte contre le terrorisme, la contrebande et le commerce parallèle. Cependant, au vu du déroulement de la campagne électorale, et du volume d'affluence des partisans dans les meetings des divers partis, on serait enclin à dire qu'on s'achemine, tout droit, vers une bipolarisation du paysage politique tunisien, puisque Ennahda et Nidaa Tounes ont prouvé, à ce jour, qu'ils restent les "plus grands" de par leur capacité de mobilisation des masses populaires. M. K.