Ni la réunion organisée à Alger entre de prétendus représentants des deux communautés, sous l'égide d'Abdelmalek Sellal, ni la promesse de distribution de lopins de terre, encore moins les différents conciliabules entre "notables" de la région et les visites récurrentes du Premier ministre n'ont réussi à ramener le calme et la paix dans la région. En brisant le mur de la peur, à travers une action inédite, les policiers déployés dans la région du M'zab, en proie à un interminable cycle de violences lié au conflit communautaire dans la région, viennent, sans doute, de mettre à nu les limites d'une gestion sécuritaire d'un problème profond et complexe. Les policiers, qui ont crié leur ras-le-bol, ne l'ont pas fait seulement pour réclamer l'amélioration de leur situation socioprofessionnelle, dénoncer leurs conditions de travail, mais aussi parce qu'ils sont soumis au quotidien à une pression terrible. Pendant dix mois, ils se sont retrouvés au milieu d'un conflit dont ils ne maîtrisent ni les tenants ni les aboutissants. Souvent, ils font l'objet d'agressions alors qu'ils sont interdits d'utiliser la force pour se défendre, selon la version officielle. Mais c'est parce que le conflit s'installe dans la durée qu'ils ont probablement décidé de se rebeller. En protestant, ils signent l'échec des politiques dans la gestion du problème de Ghardaïa qui date pourtant de plusieurs années. Aujourd'hui, on mesure toute l'inefficience des "solutions" initiées par le gouvernement. Ni la réunion organisée à Alger entre de prétendus représentants des deux communautés, mozabites et malékites, sous l'égide d'Abdelmalek Sellal, ni les mesures d'indemnisation au profit des victimes et des personnes dont les maisons et les magasins ont été incendiés, ni la promesse de distribution de lopins de terre, encore moins les différents conciliabules entre "notables" de la région et les visites récurrentes de Sellal et des politiques n'ont réussi à ramener le calme et la paix dans la région. C'est que les solutions préconisées sont un cautère sur une jambe de bois. "La situation est complexe et touche plusieurs aspects. Le fait que les policiers se retirent, montre bien que le problème est très profond. Il est lié à des questions, entre autres, de gouvernance, de trafics, de manipulation", explique un spécialiste de la région. "Les développements tragiques que vient de vivre cette partie précieuse de notre Nation ne sont que la manifestation d'une crise profonde à laquelle une gouvernance mal inspirée, désinvolte et irresponsable n'a pas su ou n'a pas pu apporter une solution à la mesure de son ampleur et de sa complexité", écrit, pour sa part, l'ancien chef du gouvernement, Ali Benflis. "La tragédie de Ghardaïa n'aurait jamais pris ces proportions avec un pouvoir présent, légitime et crédible. C'est dans le délitement de l'autorité qui s'accentue chaque jour que réside la première source de la durée et des développements de cette tragédie", observe-t-il. Au-delà des aspects socio-économiques, la crise à Ghardaïa renvoie fondamentalement à la destruction des structures sociales locales opérées par le pouvoir, à la politique de la ville, à la question de gouvernance locale, au respect des différences, à la culture de la tolérance, à la faillite de l'école, de la mosquée. En un mot, elle appelle à une véritable démocratisation du pays. Ce n'est certainement pas en déployant à chaque fois des forces de l'ordre qu'on instaurera la sécurité et la paix. A Ghardaïa, comme ailleurs. "À vouloir étouffer les révolutions pacifiques, on rend inévitables les révolutions violentes." C'est John F. Kennedy qui l'a dit. K. K.