Depuis, déjà, un demi-siècle — peut-être un peu plus, qu'importe ! — à maintes reprises, la mort de la littérature algérienne d'expression française a été annoncée. Le roman et la poésie des gawris sont en voix d'extinction, ainsi écrivent, à chaque occasion, quelques esprits empierrés. Des plumes aux idées cailloutées. Depuis que Malek Haddad, je ne sais ni à quelle occasion ni dans quelle circonstance, cela s'est produit dans les premières années de l'indépendance, a annoncé son divorce avec l'écriture en langue française, quelques écrivaillants enroulés dans un nationalisme enrhumé se sont faits en berrah (annonceurs) criant haut et fort, sur les places publiques, dans les bazars culturels, médiatiques et littéraires, la nouvelle de la mort de la littérature algérienne de langue française. D'expression française, de graphie française, qu'importe l'appellation ! Mais le génie des écrivains algériens dans cette langue, n'attend de personne l'autorisation pour écrire leur société et pour dire leurs rêves. Après le silence de Malek Haddad, d'autres grands écrivains ont vu le jour. Des textes immortels ont continué à illustrer l'histoire de la littérature algérienne : ceux de Rachid Boudjedra, Rachid Mimouni, Tahar Djaout, Youcef Sebti, Yamina Mechakra, Abdelkader Djamaï, Anouar Benmalek, Youcef Merahi, Youcef Zirem ... Le magazine littéraire L'IvrEscQ, il y a de cela quelques mois, a honoré les plus jeunes écrivains algériens de langue française en la personne de Anya Merimeche et de Anys Mezzaour. Par ce geste culturellement symbolique, les organisateurs ont voulu célébrer la continuité générationnelle de la création littéraire. Fêter l'Algérie littéraire fertile et émettre un démenti aux annonciateurs de la mort de la littérature algérienne d'expression française. En célébrant Anya Merimèche, jeune écrivaine de dix-sept ans pour ses deux romans Alexander, la chute aux enfers et La nuit aux deux soleils, et Anys Mezzaour, petit-fils de Kaddour M'hamsadji, le doyen des écrivains algériens, dix-sept ans pour son premier roman La proie des Mondes, les organisateurs ont voulu mettre en valeur la relève littéraire assurée par les enfants de ce pays. En ces nouveaux jeunes écrivains, la littérature des arrière-arrière-petits-fils de Mohammed Dib et de Mouloud Mammeri et de Kateb Yacine et de Malek Haddad... est en fête. Avec son remarquable roman Meursault, contre-enquête, Kamel Daoud décroche le prix François Mauriac et le prix des cinq continents de la francophonie, et il est sur la liste des huit en lice pour le Goncourt. Ce jeune écrivain, né en 1970, est un produit algérien, à cent pour cent. Il a fait l'école algérienne. Il a fait l'université algérienne. Enfant, à l'image de tous ses pairs, il a vécu dans une famille avec, sans doute, une télévision nationale habitée par les feuilletons et les prêcheurs égyptiens !! Mais Kamel Daoud, brillant chroniqueur au journal Le quotidien d'Oran, par son roman Meursault, contre-enquête a démenti, encore une fois, la nouvelle de la mort de la littérature algérienne en langue française. Mais il faut mentionner aussi qu'aux côtés de cette nouvelle littérature algérienne de langue française, une autre belle littérature en langue arabe monte en douceur. Des plumes modernes de plus en plus présentes et fascinent le lectorat: Bachir Mefti, Saïd Khatibi, Hadjseddik Ziwani, Amara Lakhous, Samir Kacimi, Abderrazak Boukeba, Kheir Chouar, Dihia Louiz, Habib Sayeh, Rabia Djelti... Sur la scène littéraire algérienne, d'autres belles plumes en langue amazighe émergent: Brahim Tazaghart, Ahcène Meriche, Salim Zenia... L'Algérie est Une dans son unité, plurielle par ses langues et par ses littératures. A. Z. [email protected]