Actuellement, le gaz n'est pas une énergie de transition mais une énergie installée, ceci est expliqué en grande partie par l'abondance et la disponibilité des ressources. En effet, la demande en gaz naturel, au niveau mondial, augmente de 3% depuis plus de 20 ans et, en 2030, le gaz naturel se hissera au 2e rang du mix énergétique mondial (25%), derrière le pétrole (28%) et devant le charbon (21%). Ainsi, le gaz est l'énergie fossile dont la progression serait la plus dynamique dans les décennies qui s'annoncent et le gaz naturel liquéfié (GNL) sera un élément déterminant de cette montée en puissance, notamment en réponse à la demande asiatique et européenne. Un enjeu essentiel pour l'Europe, l'Asie et les pays émergents d'Amérique du Sud La dépendance de l'Europe vis-à-vis des producteurs externes va s'accroître progressivement et devrait atteindre environ 70% en 2030, c'est également le cas pour toutes les zones à forte croissance, notamment l'Asie, la Chine et l'Inde en tête, et les pays émergents d'Amérique du Sud. L'Europe est en concurrence pour les ressources venant de l'Algérie, de la Russie et du Moyen-Orient, notamment du Qatar, qui peut avec son GNL atteindre potentiellement tous les marchés d'Europe, d'Asie ou d'Amérique du Sud. Le développement du GNL et la mondialisation des échanges sont donc à la fois une aubaine pour l'Europe, puisqu'en 2030 la part des importations de GNL s'élèvera à environ 30% des importations gazières européennes. En Asie, la croissance des marchés du gaz est portée essentiellement par trois facteurs, la croissance démographique, le développement de la production d'électricité et les préoccupations liées à l'environnement. Cette croissance, de l'ordre de plus de 500 milliards de m3 d'ici 2030, sera alimentée, en grande partie, par le GNL. Pour l'Amérique du Sud, la croissance de la demande de gaz, d'ici à 2030, serait de l'ordre de 4% par an et les importations de GNL, aujourd'hui très faibles, prendront une place importante dans le mix énergétique de cette région où elles pourraient atteindre les 80 milliards de m3. Etat du marché du GNL L'émergence et la concrétisation de nouveaux projets dans le domaine du GNL, ces dernières années, ont porté la capacité totale de liquéfaction à 290 millions de tonnes (fin 2013), sachant que les capacités de regazéification, ont été estimées, à 688 millions de tonnes et que le marché asiatique a absorbé 70% de la production mondiale de GNL, durant la même année. En 2014, s'ajouteront de nouvelles capacités venant de l'Algérie, l'Australie et la Guinée. A noter que le projet Papua New Guinea permettra à la Guinée d'intégrer la liste des pays exportateurs de GNL (18 pays avec 86 trains au total), en revanche, il existe 29 pays importateurs de GNL. Les prévisions d'expansion des capacités de liquéfaction sont de l'ordre de 117 millions de tonnes (en cours de construction) et devraient croître de 35% dans les cinq prochaines années pour atteindre 390 millions de tonnes en 2018. La demande globale en GNL devrait passer de 238 millions de tonnes par an en 2013 à 375 millions de tonnes par an en 2020 et à 470 millions de tonnes par an d'ici 2030. Le marché asiatique, qui a absorbé 70% de la production mondiale de GNL en 2013, soit 168 millions de tonnes, restera de très loin la première région consommatrice de GNL à l'horizon 2030. Toutefois, le déséquilibre entre l‘offre et la demande en GNL persistera. L'essentiel des ventes de GNL est régi par des contrats à long terme mais en 2013, 77 millions de tonnes, soit presque le tiers de la production totale du GNL, n'a pas été commercialisée dans ce cadre, 74% du marché spot ont été destinés au marché asiatique, le Qatar et le Nigeria dominent le marché spot avec 44% du total du GNL échangé dans le cadre du marché spot. Cette tendance s'explique notamment par la déréglementation du marché du gaz en Europe, le déséquilibre entre l'offre et la demande en GNL, la hausse inattendue de la production de gaz naturel aux USA, favorisée par de nouvelles techniques d'extraction des gaz non conventionnels et, l'accroissement des capacités de production et de transport de GNL. Pour rappel, les principaux facteurs, favorisant le marché spot, se résument en ce qui suit: croissance dans les contrats GNL; augmentation du nombre des pays exportateurs (18) et d'importateurs (29); insuffisance en matière d'importation par pipeline et/ou manque de production en interne des deux principaux pays importateurs de GNL, à savoir le Japon et la Corée du Sud ; forte croissance de la flotte GNL en méthaniers (357 au total); baisse de la compétitivité du gaz en Europe; forte demande des pays émergents, notamment l'Asie du Sud ainsi que l'Amérique du Sud et enfin la redirection des volumes libérés par les USA, du fait de la production de gaz de schiste. Au cours des dernières années, plusieurs projets d'envergure ont été mis en avant, notamment par les Etats-Unis (265 mpta, 65 trains), l'Australie (130 mpta, 22 trains), la Russie (90 mpta, 18 trains), le Canada (120 mpta, 25 trains), le Mozambique et la Tanzanie (35 mpta, 07 trains). En revanche, un certain nombre d'usines de liquéfaction devraient être mises à l'arrêt, ainsi, certains pays ne seront plus exportateurs de GNL. Ce sera le cas de l'Indonésie en 2014, l'Egypte dans un futur proche (à cause de la hausse de le demande intérieure et aux réserves limitées) et d'Oman en 2024. Ajoutez à cela, l'avènement des FLNG (Float LNG) qui offrent de nouvelles perspectives pour rentabiliser des gisements offshore, difficiles à exploiter de façon permanente. Quatre projets sont en cours de construction (Prelude avec 3.6 mtpa, Petronas avec 1.2 mtpa, Pacific Rubialas avec 0.5 mpta et Rotan FLNG avec 1.5 mtpa), onze autres projets sont en cours de FID (Final Investissement Decision). La part du FLNG dans la satisfaction de la demande mondiale de GNL pourrait atteindre 6% dès 2020 et dépasser les 10% à l'horizon 2025. En ce qui concerne les coûts (Capex) relatifs à la réalisation des usines de GNL, ils sont passés de 349$/t durant la période 2000-2006 à 785$/t durant la période 2007-2013. Plusieurs facteurs expliquent cette tendance à la hausse, notamment la hausse des matières premières, la main-d'œuvre, le retard dans l'exécution des projets et il reste que ces coûts varient d'une région à une autre. Prix du GNL dans les différents marchés Le GNL est commercialisé sur quatre principaux marchés: aux prix de pétrole brut au Japon; aux prix de spot du Henry Hub aux USA; aux prix de spot de National Balancing Point (NBP) et au Royaume-Uni et aux prix de fioul en Europe continentale. Les prix du GNL ont connu plusieurs dynamiques, et ce, pour des raisons temporaires et/ou permanentes et suivant les différentes régions, permettant d'avoir des prix, soit à la hausse, soit à la baisse. Les facteurs poussant cette situation se résument en ce qui suit: un essor sans précédent dans la capacité de liquéfaction; une demande européenne de gaz en baisse à cause de la crise; l'exploitation des ressources non conventionnelles aux USA; le séisme de l'est du japon en 2011 (plus grand importateur de GNL) et enfin la hausse des coûts des nouveaux projets GNL. Ces facteurs expliquent, en grande partie, les écarts des prix du GNL où en Amérique du Nord, la production du gaz de schiste a fait chuter les prix du GNL au niveau du Henry Hub, en Asie, le Japon continue de payer son GNL indexé sur les prix du pétrole brut et, en Europe, les prix restent toujours indexés sur les produits pétroliers et suivent mécaniquement l'évolution haussière de ce marché. Depuis 2010, les prix du GNL en Amérique du Nord sont négociés à un prix inférieur à la plupart des autres marchés. En effet, la production du gaz non conventionnel a vu les prix baisser jusqu'à 1.9$/mmbtu, touchant ainsi le fond, alors qu'au même moment, le prix en Europe été de 8-10$/mmbtu et 14$/mmbtu en Asie. En décembre 2013, les prix ont été négociés à 4.2$/mmbtu au Henry Hub, 11$/mmbtu au NBP et 14$/mmbtu au Japon. En Asie, les prix du GNL sont restés relativement constants au cours des deux dernières années, et ce, après la hausse des prix suite à la crise de Fukushima. Le Japon continue à payer les prix les plus élevés (14-17$/mmbtu). A noter aussi que dans cette région, le marché spot est en train de connaître une croissance importante d'année en année. Ajoutez à cela que les compagnies japonaises, coréennes et indiennes s'intéressent davantage au Henry Hub, sans toutefois marquer une désorganisation des contrats à long terme. Quelle stratégie pour l'Algérie ? Actuellement, la capacité nominale de liquéfaction de l'Algérie est de 24.3 millions de tonnes, l'utilisation de cette capacité pour les exportations n'a été que de 45%, en 2013, soit 10.8 millions de tonnes de GNL exportés, ce qui place l'Algérie au 7e rang du classement des pays exportateurs de GNL. En revanche, avec l'arrêt des unités 5-6 du Complexe GL1K (2.2 millions de tonnes) et l'entrée en production du méga train de GNL d'Arzew (4.7 millions de tonnes), la capacité nominale de liquéfaction sera de 26.8 millions de tonnes, en 2014. La France, la Turquie et l'Espagne demeurent les principaux clients de l'Algérie avec 98% des exportations, plus de 80% du volume des exportations algériennes se réalisent sous forme de contrats à long terme dont le prix est indexé sur celui du pétrole. Il ressort clairement que la part de marché de l'Algérie, dans la région asiatique est très minime (moins d'un million de tonnes en 2013) alors que les principaux importateurs de GNL se trouvent dans cette région, avec 168 millions de tonnes, quatre pays de la région asiatique consomment à eux seuls 62% du total de la production mondiale de GNL : Japon, Corée du Sud, TaIwan et Chine. Ainsi, l'Algérie devrait mettre en place une stratégie d'investissement et une politique dédiée exclusivement à ce marché sur le moyen et le long terme, tout en assurant l'approvisionnement du marché européen, qui représentera 30% de la consommation européenne de gaz naturel à l'horizon 2030. Par ailleurs, l'Algérie, qui a toujours défendu le principe de la clause "Take or Pay'', doit aussi adapter sa stratégie en faveur des marchés spot pour le GNL tout en cherchant à défendre l'option des contrats à court terme pour le gaz naturel afin de pouvoir renégocier plus facilement les prix et profiter du marché spot. Ceci passe obligatoirement par la construction de nouvelles installations GNL, incluant l'extension des deux méga trains de GNL d'Arzew et de Skikda, déjà développés, avec une technologie de pointe et avec une maîtrise des coûts d'investissement. Enfin, ces investissements doivent être accompagnés d'une stratégie basée sur la construction de nouveaux méthaniers pour le shipping du GNL et par une stratégie de ventes basée sur des investissements (participations) en terminaux de regazéification en Europe mais beaucoup plus en Asie, et ce, dans le but de vendre du gaz directement aux clients en créant des filiales de commercialisation. A. H. (*) Consultant