La campagne électorale pour les législatives tunisiennes est passée à la vitesse supérieure dans une course effrénée entre les divers partis, en particulier, les deux grands, Ennahdha de Rached Ghannouchi et Nidaa Toune de Béji Caïd Essebsi. Les citoyens électeurs n'ont d'yeux que sur ces deux partis suivant de très près les interventions des candidats et surtout, les discours des leaders de ces deux partis qui, pourtant, ne sont pas candidats. Cependant, conscients de leur charisme, Ghannouchi et Essebsi comptent mettre tout leur poids dans la balance pour permettre à leurs candidats de rafler le maximum de sièges dans la future Assemblée du peuple. Malgré leur âge avancé, les deux gourous —dans une forme rassurante — sillonnent le pays pour présider des meetings qui font le plein et haranguer les foules. A voir le volume de ces foules, on ne peut pas s'empêcher de penser à tout cet argent investi dans l'organisation des meetings et que certains qualifient de "sale". Cependant, Ennahdha demeure la cible de tous les candidats qui se disent "démocrates". Rares sont les discours où le parti islamiste ne figure pas en bonne place pour être vilipendé pour sa gestion catastrophique des affaires publiques depuis son accession au pouvoir à la faveur des élections d'octobre 2011. Même le leader de Nidaa Tounès n'a pas dérogé à cette "règle" allant jusqu' emprunter au président américain George Bush son fameux slogan : "Si tu n'es pas avec moi, tu es contre moi." En effet, au cours d'un meeting organisé, mardi, dans une localité de la banlieue de Tunis, Béji Caïd Essebsi a prononcé un discours qui se résume en un appel à voter pour son parti. Car, a-t-il dit, tout autre vote profite au parti islamiste. Autre son de cloche inhabituel chez Ennahdha. Ghannouchi ne cite ses adversaires que par allusion et appelle à "l'union sacrée" après les élections au moment où Essebsi et son entourage excluent toute alliance avec le parti islamiste pour former le prochain gouvernement tant que ce dernier ne change pas d'idéologie. A ce propos, le parti islamiste qui, il faut le dire, avait fait beaucoup de concessions, les entend-il de cette oreille au risque de perdre de sa crédibilité aux yeux de ses adhérents ? Rien ne laisse prévoir un tel scénario. Malgré ses appels au "consensus", il ne semble pas prêt à se démarquer de la religion qui constitue, pour lui, un pilier fondamental de sa politique à l'opposé des laïcs dont certains (libéraux) vont jusqu'à demander l'interdiction de faire apprendre le Coran aux enfants. Ce n'est pas le cas, certes, de Nidaa Tounès, même si au sein de ce parti "mosaïque", certains sont favorables à une telle option. Cependant, pour ce parti, le terrain est semé d'embûches. Pourra-t-il se relever avant l'échéance de dimanche prochain après que Béji Caïd Essebsi ait commis une bévue, difficilement, réparable en manquant , récemment, de respect à la femme tunisienne qui représente la moitié de la population ? Pourra-t-il le faire après avoir ignoré l'électorat de tous les autres partis en axant ses interventions sur le parti islamiste alors que cet électorat pourrait le servir, sinon pour les législatives, du moins pour l'élection présidentielle à laquelle il est candidat ? Essebsi pourra-t-il faire oublier, rapidement, aux électeurs les propos, fraichement, tenus par son ancien conseiller, Mohamed Ghariani (ancien directeur du RCD dissous) qui a mis à nu les tares de Nidaa Tounès ? Car, selon M. Ghariani Nidaa Tounès est un parti qui suit les pas du RCD de Ben Ali. Il est, aujourd'hui, l'otage d'un groupe "restreint et dominateur" qui décide, seul, de la politique à suivre et monopolise la prise de décisions. Autant de questions qui auront, sans doute, des réponses dimanche 26 octobre. Des propos qui viennent au mauvais moment pour un parti dont la gourmandise lui fait croire qu'il est à même de remporter et les législatives et la présidentielle. M. K.