La Ligue algérienne pour la défense des droits de l'Homme poursuit son cycle de formation au profit des militants des droits humains, des membres de la société civile, des avocats et des journalistes, en leur qualité de relais de la société. Le cycle, qui entre dans le cadre du projet "Observatoire de procès, pour un procès équitable : outil d'accès à la justice", soutenu par la délégation de l'Union européenne à Alger et le Comité catholique contre la faim et pour le développement (CCFD) France, a été suivi, hier, par un séminaire animé par Mme Oussedik Hassina, directrice de la section Algérie d'Amnesty International. Thématique abordée : "Technique d'observation et d'élaboration de rapport : quoi et comment observer et attitudes de l'observateur". Avant d'entamer son exposé, la directrice d'Amnesty International Algérie, depuis novembre 2011, a rappelé brièvement qu'elle avait activé près de 10 années au sein de la même organisation en France, mais aussi à Haïti dans le cadre d'une mission des Nations unies où elle avait eu à faire des observations de procès impliquant des responsables dans la tragédie qu'a connue ce pays. Elle a expliqué, en introduction, que ces procès ont pu avoir lieu grâce aux rapports d'Amnesty International, qui avaient fait état de violation des droits de l'Homme, d'exécutions sommaires, etc. L'organisation, à l'instar de celles qui militent pour la défense des droits humains, "demande qu'il y ait un procès équitable". Quand elle observe, Amnesty International (AI) en l'occurrence, que les procès étaient expéditifs ou ne se sont pas déroulés de manière équitable, elle réclame systématiquement la révision des procès. Une fois obtenue, AI participe en tant qu'observateur pour un procès équitable, c'est-à-dire que "toute personne a le droit à ce que sa cause soit entendue équitablement et publiquement par un tribunal compétent, indépendant et impartial établi par la loi qui décidera du bien-fondé de toute accusation en matière pénale, dirigée contre elle, soit des contestations sur ses droits et obligations". C'est le cas, a rappelé Mme Oussedik, avec le procès d'Antoinette Chahine, une Libanaise qui a passé 5 ans en prison condamnée à mort, avant d'être innocentée grâce à la mobilisation internationale. Elle n'a que 23 ans lorsqu'elle est arrêtée le 21 mars 1994, au Liban. Etudiante à la faculté de Beyrouth, elle est mêlée, malgré elle, aux activités de son frère Jean, membre des Forces libanaises, une milice chrétienne impliquée dans le meurtre d'un prêtre. L'espoir viendra lorsqu'Amnesty International a produit un rapport pour dénoncer un procès "inéquitable". À partir de là, elle a reçu des milliers de lettres de soutien venant du monde entier. Le 24 juin 1999, la jeune femme est finalement innocentée. Antoinette Chahine se bat depuis 10 ans pour que "son histoire ne se répète plus". Car si elle est libre aujourd'hui, elle considère, toutefois, "avoir perdu 5 ans de sa vie" ; Mme Oussedik a promis de la faire venir en Algérie car elle milite depuis contre la peine de mort. Autre type de situation sur laquelle travaille AI : les situations post-conflits. Il s'agit d'écrire lentement, mais sûrement, une nouvelle page de l'histoire du pays. Cela ne va pas sans passer par un certain nombre de défis à relever : le rétablissement d'un Etat de droit et d'un environnement sécuritaire sur toute l'étendue du territoire. Et en cette période de reconstruction post-conflit, il faut insister "sur quel type de réforme à mener ?", a souligné Mme Oussedik, de sorte à avoir une justice indépendante et protéger par la même occasion les biens et les personnes sur toute l'étendue du territoire national. Mais le travail des observateurs des procès n'est pas aisé, d'autant qu'il n'est même pas reconnu dans le droit interne bien que l'Algérie soit signataire de toutes les conventions internationales. Quoique dans le procès des non-jeûneurs d'Akbou en 2010, les militants des droits de l'Homme ont pu faire l'observation du procès, a affirmé Saïd Salhi, le vice-président de la Laddh et responsable de la section de Béjaïa. Occasion pour Mme Oussedik d'énumérer les principes à suivre dans l'observation d'un procès : faire preuve d'impartialité ; se présenter devant le président de la cour ou du tribunal et de l'avocat de la défense ; s'abstenir de donner un avis ou de faire une déclaration, encore moins d'intervenir durant le procès ; tout doit rester confidentiel, même si on a pu recueillir des confidences de la part des avocats. C'est en ce sens qu'il faut impérativement mettre en place une charte de l'observation. Charte dans laquelle on doit prévoir, a-t-elle insisté, des sanctions à l'encontre des observateurs indélicats. Il y va de la crédibilité de l'Observatoire. Il faudrait, pour ce faire, que la loi algérienne permette l'existence de ces "auxiliaires", d'un genre particulier certes, de justice. Quid des procès à huis clos ? Dans l'absolu, tout individu a le droit de participer à la vie citoyenne et les Etats sont dans l'obligation de laisser les défenseurs des droits humains travailler. M. O.