Mis en garde par la communauté internationale, qui exige des mesures concrètes et rapides pour régler le problème des déplacés dans le Darfour, le régime du général Bechir cherche à gagner du temps. En dépit des nombreux avertissements, notamment après les récentes visites sur les lieux du secrétaire d'Etat américain aux Affaires étrangères et du secrétaire général des Nations unies, les dirigeants soudanais tardent à agir. L'aggravation de la crise humanitaire dans le Darfour, à la suite de l'augmentation du nombre de personnes déportées qui avoisine désormais le million, ne semble pas inquiéter outre mesure Khartoum, qui n'accorde apparemment pas l'importance voulue à la question. À peine sorti du conflit du sud du Soudan, qui aurait dû lui servir de leçon, le régime de Omar Hassan Al-Bechir s'enlise à nouveau dans une nouvelle crise. Celle-ci pourrait lui valoir des désagréments plus sérieux sur la scène internationale, si jamais les Etats-Unis et l'Organisation des Nations unies mettaient à exécution leurs menaces de sanction. En effet, Colin Powell et Kofi Annan ont sérieusement mis en garde le Soudan si jamais la situation prévalant actuellement au Darfour ne s'améliorait pas rapidement. Malgré cela les choses n'évoluent point, notamment l'opération de désarmement des milices arabes progouvernementales des Djandjaouid qui n'a même pas été entamée. C'est en totale contradiction avec les déclarations optimistes de M. Moustafa Osman Ismaïl, le chef de la diplomatie soudanaise qui affirme que de “sérieux progrès” ont été réalisés jusque-là. La position de Khartoum est également battue en brèche par le président de l'Union africaine (UE), Alpha Oumar Konaré, lequel a mis l'accent sur l'urgence du désarmement des milices parce que cela engendrerait une aggravation de la situation humanitaire dans la région du Darfour, déjà difficile à cerner. Le scepticisme est de mise aussi au sein des organisations non gouvernementales opérant actuellement dans cette partie du pays, qui n'ont pas hésité à l'instar de certains responsables américains de reprocher aux Djandjaouid de se livrer avec la complicité des autorités de Khartoum à une campagne de purification ethnique contre la population noire dans cette partie de l'ouest du Soudan. Cette thèse est soutenue par le Mouvement de libération du Soudan (MLS). Dans un communiqué rendu public, ce groupe rebelle affirme craindre la préparation d'une opération d'épuration ethnique par le biais d'une attaque de Khartoum contre la population locale. La mobilisation d'importantes troupes à Nyala, la capitale du Darfour, par l'armée gouvernementale, depuis quelques jours, pourrait constituer un prélude au lancement d'une offensive militaire d'envergure, estime le mouvement rebelle dans son communiqué. De par son silence, le régime soudanais conforte les thèses l'accusant d'opter pour une politique de double jeu comme ce fut le cas pendant de longues années avec le Front de libération du sud Soudan du colonel John Garang. K. A.