Liberté : Quelle analyse faites-vous du rapprochement entre Madrid et Paris sur la question du Sahara Occidental ? Abdelaziz Rahabi : Quand les socialistes sont revenus à la Moncloa, ils se sont vite rendu compte que les choses avaient changé au Maghreb, que les forces qu'ils considéraient comme dominantes n'étaient pas au pouvoir en Algérie et que la menace terroriste n'était pas venue d'Algérie, mais d'ailleurs. Sur la question du potentiel déstabilisateur du terrorisme, Madrid s'aligne sur la doctrine française dont l'un des axes est la consolidation du Maroc. La bonne entente entre Madrid et Paris signifie à première vue l'alignement de l'Espagne sur la France concernant l'option d'une solution politique négociée de la question du Sahara Occidental et pourrait signifier le début de la fin du plan onusien. Quels sont les paramètres qui sont à l'origine de ce changement de stratégie ? La France considère que la persistance du conflit du Sahara Occidental est de nature à ne pas favoriser la stabilité du Maroc. Les attentats du 11 mars dernier contre l'Espagne ont conforté ses thèses auprès de ses alliés européens et tout naturellement chez les socialistes espagnols. On peut donc considérer cette alliance comme sérieuse et durable même s'il est difficile d'admettre que les intérêts de deux puissances régionales sont toujours convergents dans notre région et que l'Algérie accepte facilement la nouvelle orientation diplomatique régionale qui s'articule sur des dossiers dans lesquels elle est le principal interlocuteur. Il s'agit, à mon sens, essentiellement des dossiers du terrorisme, du pétrole et du gaz et du conflit sahraoui ; et sur ces questions, l'Algérie a plus à donner qu'à recevoir. Et la question des libertés ? Je ne doute pas de la sincérité de M. Moratinos, je connais son engagement en faveur de la démocratie au Maghreb, mais ce processus s'est historiquement développé autour d'une dynamique interne et locale sans appui conséquent de l'extérieur. C'est d'ailleurs l'une des faiblesses du processus de Barcelone et l'une des explications de l'échec de son volet social et humain. S. T.