La situation de ces ensembles est digne d'un récit de Kafka. Le sort des grandes tours du Hamma est enfin connu. En cours de réalisation depuis juin 1986, ces deux immenses immeubles qui attirent l'œil à partir de l'autoroute, n'ont pas été habités à ce jour. Désormais, les bâtiments viennent d'être repris par la Cnep. Cette banque procède à des aménagements à l'intérieur pour en faire ses propres bureaux administratifs. Les travaux ont, après un appel d'offres lancé par la Cnep, d'ores et déjà commencé sur l'une des deux tours. Pour la seconde, la DG de la caisse attende les offres des soumissionnaires. Ainsi, l'histoire des “buildings” d'El-Hamma, qui a défrayé la chronique des années durant, prend fin. Mais quelles ont été les raisons qui ont fait que ces deux constructions sont restées inoccupées par leurs bénéficiaires depuis 18 longues années ? En période de crise aigue du logement, un retour sur les circonstances de lancement de ce chantier et le retard inconcevable, voire inadmissible qu'il a accusé serait judicieux. Tout a démarré d'une idée de restructuration des quartiers du Hamma et d'Hussein Dey dont l'étude a été élaborée par le Cneru. Les détails du projet La société Snc Lavalin qui réalisait Maqam Echahid, exprima son intérêt pour le projet et fit une proposition d'étude technique et financière en 1984. Dans cette étude, les Canadiens ont tenu compte du vieux tissu urbain et de la sociologie du quartier populaire de Belcourt, Belouizdad actuellement. Ce fut une proposition intéressante en adéquation avec les spécificités du site et en harmonie avec l'environnement. Le montant total des études et de la réalisation proposé fut de 48 milliards de centimes dont 70% de parts transférables, c'est-à-dire en devises. Or, au cours d'une réunion entre les entreprises d'Alger, en présence du wali de l'époque, le directeur général de l'entreprise Erca s'est engagé à concrétiser la même opération (étude et réalisation) pour le montant de 44 milliards de centimes dans un délai de 44 mois. Le projet en question est composé de 554 logements dont 21 bâtiments qui forment ce qui est appelé la couronne (20 482 m2) à hauteur variable de R+5 à R+7 et des tours A et B hautes respectives de R+14, R+18 et R+21 avec des sous-sols, des bureaux, des locaux. Le prix du m2 habitable revenait à l'époque à 4 430 DA. Le marché a été cédé à l'Erca et le contrat a été signé en avril 1986. Une prolongation de délai de 44 mois a été accordée à l'entreprise réalisatrice le 18 avril 1992 sans pénalités de retard et sans conséquences avec un surplus du montant. À cette époque, un problème épineux surgit. Les responsables du chantier étaient confrontés à la difficulté d'alimentation des tours en gaz. La solution envisagée était d'alimenter les immeubles jusqu'au 14e étage et à partir de là, ce serait une alimentation avec de l'électricité. L'entreprise et le bureau d'études (BET) de l'Erca allaient opter pour cette solution mais les experts ont manifesté leur farouche opposition à une telle option qu'ils qualifient d'ailleurs de “discriminatoire” entre les locataires. La discrimination à laquelle ils faisaient allusion concernerait le paiement des factures qui risqueraient d'être différentes d'un occupant à un autre habitant le même immeuble. Un architecte virulent de l'époque s'y est opposé d'une manière énergique mais non sans proposer de solutions. La première a trait à l'envoi de techniciens de l'entreprise et du BET à l'étranger pour des stages de formation sur l'alimentation en gaz des bâtiments de plus de 20 étages. Les raisons d'un retard La seconde est liée à une alimentation de toute la tour en électricité sans discrimination. L'entreprise et les autorités ont opté ainsi pour l'énergie électrique. Ce même architecte était déjà sceptique quant à la construction de tours en Algérie. Il appuyait ses dires par le manque de moyens pour des interventions lors des catastrophes pour ne citer que cet exemple. Les observateurs très au fait de ce dossier avouent qu'avec la société Snc Lavalin, ça aurait été plus sérieux, voire une réussite. Ils s'interrogent, toutefois, sur qui paiera les incidences financières de ce flagrant retard. Si les bâtiments qui forment la couronne sont habités, les tours, en revanche, sont restées pendant plus d'une décennie sans occupants. Elles ont atteint l'âge du vieillissement faute d'entretien. Une surface de plus de 5 hectares est donc mobilisée pendant 18 ans sans aucun résultat palpable. Mais qu'est-ce qui a retardé la réception de ces tours ? Il est à noter que le mystère entoure cette question depuis longtemps. Personne n'a daigné apporter le traître élément d'information à ce sujet. Motus et bouche cousue… les raisons évoquées et recueillies çà et là font état d'un mauvais drainage effectué lors du lancement des travaux. D'autres sources parlent d'une remontée des eaux constatées pendant la construction. L'étude de sol a été, selon eux, entièrement bâclée. Les résultats de carrotage (sondage du terrain sur une profondeur de 30 mètres) du laboratoire ont été, estiment-ils, faussés dès le départ car laissés pendant plus d'un mois au soleil. Or, il fallait placer ces échantillons dans des lieux humides pour une meilleure analyse. Un ovoïde édifié au temps de la France, souligne nos sources, a été démoli et fut remplacé par un autre sous les tours. Ces spécialistes indiquent que les ascenseurs ne sont pas placés à ce jour. Devant ce fâcheux épisode, il serait à l'avenir préférable de lancer des programmes de logements sur des tours qui ne doivent pas dépasser les 5 étages. Il faut des bâtiments beaucoup plus horizontaux que verticaux. L'option du système pavillonnaire suivi du respect des règles urbanistiques, devrait être inscrit sur les tablettes des décideurs . B. K.