Journalistes et responsables du journal Le Matin attendent, la peur au ventre, l'issue de l'audience d'aujourd'hui. Hier, au siège du journal Le Matin, les quelques journalistes présents semblaient, perdus face à une situation confuse quant au retour du Matin sur les étals. Ce qui est sûr, les responsables du journal n'ont pu réunir que la moitié de la somme réclamée par l'imprimerie, Simpral. Il reste que leur principale préoccupation est le sort réservé aujourd'hui à Mohamed Benchicou, leur directeur de publication, lors du procès en appel qui se tiendra au tribunal d'Alger, 40 jours après l'introduction du pourvoi en cassation. Pour rappel, le directeur du Matin a été condamné à deux ans de prison ferme avec mise sous mandat de dépôt et à une amende de près deux milliards de centimes dans une affaire de bons de caisse montée de toutes pièces. La police des frontières avait trouvé en sa possession des bons de caisse alors qu'il rentrait d'un voyage en France le 23 août 2003. La condamnation que l'opinion publique nationale et internationale a qualifiée de “politique et attentatoire à la liberté de la presse et d'opinion”. Un large mouvement de solidarité a vu le jour aussi bien en Algérie qu'à l'étranger et un comité pour la libération des journalistes a été créé. La Fédération internationale des journalistes (FIJ), le Comité de protection des journalistes (CPI), Humain Right Watch, la Fédération internationale des droits de l'Homme (Fidh), Amnesty International et Reporters sans frontières (RSF) ont énergiquement condamné l'incarcération de Mohamed Benchicou et de Hafnaoui Ghoul correspondant du journal Djazaïr News. Les avocats de la défense avaient réfuté cette peine arguant que le dossier est vide, entaché de vices de procédures et que des bons de caisse en monnaie locale, qui ne sont monnayables que sur le territoire national, ne pouvaient constituer un transfert de fonds vers l'étranger ou une infraction à la réglementation des changes. De l'avis de Ghania Hammadou, journaliste et actionnaire au Matin : “C'est l'occasion pour la justice algérienne de démontrer qu'elle est réellement indépendante”. Pour sa part, le rédacteur en chef, Rachid Mokhtari, est optimiste en prenant en compte la procédure d'appel qui a abouti dans les délais, “les déclarations faites dans le sens de l'apaisement par le ministre de la Communication et de Farouk Ksentini, président de la commission nationale consultative pour la promotion et la promotion des droits de l'Homme”, argue-t-il. Tout en soulignant que “Benchicou a été condamné pour un délit fictif qui ne se base sur aucun fait”, et d'ajouter que le directeur du Matin garde un moral d'acier et reçoit quotidiennement la visite de ses avocats et de sa famille et qu'il est en contact permanent avec son collectif car “il reste le directeur gérant de l'entreprise du journal Le Matin”. L'issue du procès d'aujourd'hui sur lequel tous les regards seront braqués constituera, de l'avis des observateurs de la scène politique nationale, un sérieux test pour le pouvoir. Ira-t-il vers plus de restriction des libertés d'opinion et de la presse ou vers l'apaisement et donc plus d'ouverture démocratique ? M. B.