Lancé en 1982, seul le gros œuvre a été réalisé. Le projet a été ensuite abandonné alors qu'il avait déjà absorbé des dizaines de milliards de centimes. Il vient d'être relancé. L'espoir est-il permis ? Lors de sa récente visite effectuée à Oran, M. Harraoubia, ministre de l'Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique, s'est vu présenter une situation de son secteur pour cette rentrée 2004/2005, notamment les travaux d'avancement de certaines structures pédagogiques devant être livrées. Parmi ces réalisations notre attention a été attirée par la construction d'un département de génie maritime prévue pour la rentrée 2005/2006, implanté sur le site de l'Igcmo relevant de l'Usto, l'université des sciences et de la technologie, et dont les travaux ont d'ores et déjà démarré. Cet institut de génie maritime, pour une capacité de 1 000 places pédagogiques, a été estimé pour un coût de 160 millions de DA. Or, jusqu'ici, rien d'extraordinaire, pourrions-nous penser, mais voilà, un précédent projet pour la création d'un grand institut de génie maritime avait déjà été mené dans les années 1970 et les travaux avaient même été lancés en 1981 pour être abandonnés 8 ans plus tard avec pertes et fracas puisque les lieux avaient fini après bien des péripéties par être affectés à l'université d'Es-Sénia des sciences sociales et sciences humaines, ce qui n'a rien à voir avec le génie maritime. L'historique de cet institut est l'exemple vivant et frappant de ce que les pouvoirs publics ont pu mener durant des décennies comme aberration, gaspillage et incohérence à la limite du bricolage, dans la gestion d'un secteur aussi important que celui de l‘enseignement supérieur en l'occurrence. Retour en arrière : à l'époque, le projet de l'Igmo (Institut de génie maritime d'Oran) s'était vu attribuer une assiette foncière de 22 000 m2. Le coût de réalisation de l'institut, conçu pour 600 étudiants, était de 14 milliards de DA. Il faut dire qu'à l'époque les ambitions étaient grandes avec même des prétentions continentales. Ainsi ce sont les Polonais, réputés pour leur savoir-faire en matière de constructions navales, qui furent sollicités pour mener à bien le projet. Un protocole d'accord sera signé entre les deux pays en 1973, attribuant l'étude à l'institut de construction navale de Gdansk qui achèvera son travail en 1977. En 1981, soit plus de 7 ans après la signature du protocole, les travaux démarrent sous la conduite de l'entreprise ECO. L'ensemble du projet devait être réalisé en 3 tranches. Les structures planifiées dans le projet prévoyaient la construction de laboratoires d'hydrodynamique navale, de machines marines, de physique-chimie, d'équipement de navire et surtout de 3 grands bassins d'essais de plusieurs mètres de long et de profondeur pour y effectuer des essais. En 1982, un décret officialise la création de l'Igmo au sein de l'Usto. C'est à partir de cette date que les problèmes surgissent. Les travaux traînent, les délais de réalisation sont dépassés, les crédits de l'Etat s'amenuisent, etc., pratiquement au même moment, les grands chantiers navals dans le monde commencent à connaître de sérieuses difficultés. En 1989, coup de théâtre, et alors que les travaux sont à l'abandon après l'achèvement de la première tranche et la réalisation du gros œuvre faisant partie de la deuxième tranche, une simple décision ministérielle enregistrée sous le n°135/M confère les structures de l'Igmo à l'université d'ES Sénia, jetant ainsi à l'eau le projet de l'institut de génie maritime et anéantissant du même coup l'espoir des étudiants et des enseignants en génie maritime de l'époque, qui ont d'ailleurs toujours continué à fonctionner jusqu'à nos jours dans des locaux inadaptés. Mais la gabegie et l'incohérence ne s'arrêtent pas là, puisque le changement d'affection a induit de très nombreux problèmes techniques d'adaptation des locaux, compte tenu de la spécificité de la spécialité de génie maritime qui n'a rien à voir avec l'enseignement des sciences sociales ou autre. Un casse-tête permanent qui a vu très souvent le bureau d'études de l'époque le Bewo sollicité pour trouver des solutions et des aménagements suivant les besoins des nouveaux locataires. Le cas le plus aberrant est celui de deux bassins d'essais, avec cette question restée sans réponse pendant des années : comment les utiliser ? Quel a été le coût total des aménagements lors du changement d'affection, une somme qui, au demeurant, ne nous sera pas donnée. Aujourd'hui après tout ce gaspillage humain et financier, sans que jamais aucune explication ne soit venue éclairer les universitaires et l'opinion publique sur les raisons profondes d'un tel gâchis et de telles aberrations, les pouvoirs publics veulent à nouveau doter l'enseignement supérieur d'un institut de génie maritime pour cette fois à 160 millions de DA avec toujours la réalisation d'un bassin d'essais. Un minimum de cohérence, “de bonne gouvernance” et de planification aurait causé moins de pertes pour le Trésor public, et donc pour les citoyens algériens avec qui l'on est si prompt à ponctionner et à restreindre. F. B.