Ces familles ont été avisées, mercredi dernier, qu'elles allaient être expulsées. Hier, la présence de la force publique confirmait la volonté des autorités de faire exécuter cette décision. “Comment peut-on aujourd'hui porter à bout de bras la réconciliation entre les Algériens, lorsque des Algériens mettent à la rue d'autres Algériens qui n'aspirent qu'à vivre dans la sérénité dans une Algérie fraternelle et juste ?” C'est en ces termes que les familles menacées d'expulsion d'un moment à l'autre au lieu-dit “La Côte”, à Birkhadem, se sont exprimées dans une lettre ouverte au président de la République. En ce samedi matin, hommes, femmes, adolescents, enfants et vieux sont à l'écoute d'une hypothétique nouvelle. Deux personnes d'un âge avancé dont un ancien moudjahid, ont été dépêchées chez le wali délégué de Bir-Mourad-Raïs dans le but de faire surseoir la décision d'expulsion. Quelque temps après, elles reviennent bredouilles. Le responsable qui les avait reçues leur conseille d'essayer de négocier, ce que considère l'huissier de justice comme une manière de les rabrouer. Mais qu'en est-il de cette expulsion alors que les familles sont sur place depuis quatre décennies ? Les quatre logements où elles habitent ont été laissés par un colon spécialisé dans les produits en tôle galvanisée, parti juste après l'indépendance. Repris par la Sonacome, ils seront cédés à ces familles. Une des attestations établie en 1977 confirme que M. Selmoune Lahcène est “hébergé chez nous” depuis 1962. Il se trouve que Sonacome, dans le cadre de sa restructuration, avait cédé la partie mitoyenne avec les logements à l'entreprise Cosider. Cette dernière en a fait des bureaux. “Avec le temps, cette même entreprise manifeste ses appétits pour accaparer nos logements”, dira un des habitants. En 1994, l'affaire est portée devant la justice qui déboute Cosider. Cette entreprise fait appel et réussit, quelques années après, à obtenir gain de cause. Les choses s'accélèrent jusqu'à décembre 2003 où la cour d'Alger prononce l'arrêté définitif d'expulsion avec une notification en avril 2004. Depuis cette date, les familles vivent dans l'angoisse totale. Elles ont frappé à toutes les portes sans jamais trouver la bonne. “Le comble est que le conflit nous oppose à une entreprise nationale dont une des missions est justement de construire des logements”, fera observer un père de famille. Son voisin abonde dans le même sens pour dire que les autorités ne leur ont pas donné le temps de se préparer. À la mi-journée, les policiers allaient tenter un coup de force, mais les hommes avaient déjà formé un cordon d'opposition devant l'entrée du petit immeuble. Les femmes se sont rassemblées dans un coin pour protester énergiquement alors que des adolescents étaient déjà sur la terrasse, bouteilles de gaz butane et cocktails Molotov prêts à être lancés. C'est dire que la tension était montée d'un cran. L'huissier de justice bien que pressé d'en finir, dut se rendre à l'évidence. L'officier de police, pour sa part, dut choisir la voie de la sagesse en retenant ses éléments. Mais l'atmosphère n'augurait rien de bon. Le départ des policiers n'était qu'une trêve. Du côté de Cosider, c'est le silence radio. Toutes nos tentatives de joindre la direction de l'entreprise ont été vaines. A. F.