L'ancien patron des services secrets russes court le risque de se heurter à une opinion qui n'accepte plus les atrocités terroristes. “La Russie poursuivra résolument et sans compromis sa lutte contre le terrorisme international”, a déclaré le ministère russe des Affaires étrangères dans un communiqué, après la gigantesque prise d'otages dans une école de Beslan, dans le Caucase russe, qui a fait 322 morts, dont 155 enfants et plus de 700 blessés. Le chiffre, selon le vice-procureur général de Russie, pourrait encore revu à la hausse, les vérifications n'étant pas achevées. L'enquête en cours a déjà révélé que des armes et des munitions ont été placées à l'avance dans l'école, avant le début de la prise d'otages, a déclaré samedi le responsable du Service fédéral de sécurité (FSB) pour l'Ossétie du Nord. Alors que le débat sur les méthodes employées par les services russes dans le dénouement de la prise d'otages ne fait que commencer, l'enquête corroborée par des témoignages révèle également que le plus gros des pertes parmi les victimes a été occasionné par l'explosion de mines et explosifs par les ravisseurs, qui avaient été jusqu'à refuser l'eau pour les jeunes écoliers. Le désastre de Beslan repose certes la question du terrorisme et personne dans le monde ne peut, aujourd'hui, se voiler la face et tergiverser s'agissant de la lutte antiterroriste. Le dossier de la Tchétchénie refait lui aussi surface. Des élections ont beau avoir eu lieu dans ce pays faisant partie de la fédération de Russie, la question reste entière. Le haut représentant pour la politique étrangère de l'Union européenne, Solana, ne s'est pas empêché de réaffirmer qu'il fallait s'attaquer aux causes du terrorisme et non pas seulement à ses effets, plaidant pour la recherche d'une solution politique en Tchétchénie. Les Européens, importants partenaires de la Russie, considèrent que des cicatrices anciennes dans certaines régions géographiques, tant qu'elles ne seront pas refermées, continueront à créer un terrain fertile pour le développement du terrorisme, devait développer Solana, citant en exemple la crise au Proche-Orient entre Israéliens et Palestiniens. Le Kremlin est invité à faire preuve de plus de disponibilités en Tchétchénie où la répression ne saurait être constamment justifiée par la violence terroriste. Le vieux débat entre violence étatique et violence terroriste n'est toujours pas épuisé. Vladimir Poutine, qui a tiré pendant son premier mandat un bénéfice politique de sa fermeté en Tchétchénie, devrait, selon des analystes, après la prise d'otages de Beslan et la récente vague d'attentats qui a déferlé en Russie, s'interroger sur le maintien de sa ligne dure. La mort de 155 écoliers va marquer un tournant dans la perception du conflit tchétchène par les Russes, d'autant plus abasourdis par l'explosion de violence que la question tchétchène a quasiment disparu des médias publics depuis longtemps. Les Russes ne peuvent pas vivre dans la peur et l'attente permanente du prochain attentat, ils vont commencer à exiger que le pouvoir agisse, prédit-on dans les milieux politiques. Poutine, ancien patron des services secrets, qui a fondé sa popularité sur sa fermeté dans le conflit tchétchène plus que dans d'autres domaines, court le risque de se heurter à une opinion qui n'accepte plus de telles atrocités terroristes. Les opérations revendiquées par des groupes soutenant l'indépendance de la Tchétchénie ont fait plus de 400 morts en Russie en moins de deux semaines dans le crash de deux avions le 24 août (90 morts), dans un attentat contre le métro de Moscou le 31 août (11 morts), et à Beslan vendredi (322 morts). La politique de normalisation sur le terrain ne s'est traduite, pour l'opinion russe, que par la montée en cadence du terrorisme et l'omniprésence des forces armées russes, accusées jour après jour de violence, séquestrations arbitraires et autres exactions. D. B.