Des projets de loi très importants et surtout délicats sont inscrits à l'ordre du jour de cette session. La session parlementaire d'automne, déclarée officiellement ouverte depuis hier, promet de chauds débats sur des projets de révision de lois très sensibles, inscrits à son ordre du jour. Les projets de révision des codes pénal et de procédure pénale ; de la réforme pénitentiaire ; de la loi de finances pour 2005, du code de la route et de celui de la famille ont été déposés au bureau de l'APN après leur adoption, sans grand remous, par le Conseil de gouvernement puis le Conseil des ministres. Lors de son passage par le Parlement, ils ne manqueront certainement pas de servir d'alibis à des joutes politiques. Le président de l'APN, Amar Saïdani, a structuré son intervention autour d'un constat, exagérément embelli, de la situation socioéconomique du pays, notamment depuis l'élection présidentielle du 8 avril dernier, sans s'attarder outre mesure sur ce qui risque de perturber la sérénité, encore fragile, de l'Assemblée nationale. C'est à peine s'il a informé les membres de la Chambre basse et ses invités (le gouvernement au complet et le président du Conseil de la nation, ainsi que des sénateurs) que les parlementaires devront examiner, durant les prochains mois, dix-huit projets de textes, transmis par le gouvernement. Abdelkader Bensalah, président du Conseil de la nation, s'est montré — contrairement à ses habitudes —, nettement plus loquace sur le projet de révision du code de la famille, qui provoque, depuis plusieurs semaines, une levée de boucliers du côté des islamistes. Les dirigeants du MSP et d'El-Islah contestent avec virulence les amendements proposés par le gouvernement et ayant trait à la suppression du tutorat matrimonial et aux contraintes posées à la polygamie. C'est en homme, qui veut manifestement délivrer des messages politiques inspirés par les hautes sphères de décision, que le deuxième personnage de l'Etat a abordé le thème de la discorde. “Ce dossier, sensible dans son contenu et ses aspirations, devra être traité dans la normalité, suivant les exigences de notre époque (…). Il faut trouver des solutions consensuelles entre le choix de l'ouverture et le respect des principes religieux. Ayons à l'esprit ce qui a été accompli, en la matière, dans les pays voisins (la Tunisie et le Maroc, ndlr)”, a-t-il commencé à dire avant de prendre le taureau par les cornes et s'attaquer directement aux islamistes. “Les notions, au centre du débat, relèvent de l'ijtihad (effort d'interprétation, ndlr). Elles n'ont pas été tranchées par les fouqaha (spécialistes de la charia, ndlr). Ce qui nous permet d'opter pour l'interprétation qui correspond le mieux à la réalité de notre société et les exigences de notre époque…” Abdelkader Bensalah n'y est pas allé par quatre chemins pour signifier, quasi officiellement, une fin de non-recevoir aux leaders politiques (Bouguerra Soltani et Abdallah Djaballah, respectivement au nom du MSP et d'El-Islah) qui ont revendiqué un référendum sur la révision du code de la famille. “Ce texte relève des domaines sur lesquels le Parlement a la prérogative constitutionnelle de légiférer. Naturellement, le peuple légifère à travers ses élus, qu'il a mandatés pour remplir cette mission”. Usant d'un ton plus mordant, le président de l'APN a jugé inconcevable de recourir à un référendum uniquement parce que certains milieux contestent deux propositions d'amendement à la loi de 1984. “À travers cette exigence, veut-on porter atteinte à la crédibilité de l'institution parlementaire et l'empêcher de remplir sa mission ? ou veut-on politiser le dossier ?” s'est interrogé Abdelkader Bensalah. La substance de ces déclarations trouve son sens dans une volonté des décideurs à mettre en garde les islamistes, et dans une moindre mesure, les conservateurs du FLN, contre leurs tentatives de compromettre la révision du code de la famille, et, par-là même, d'autres projets de textes susceptibles de susciter la polémique. S. H.