Finalement, tout va pour le mieux pour le président libanais. Il pourra se succéder à lui-même malgré la Constitution qui ne prévoit qu'un seul mandat pour le président de la République qui, de surcroît, doit être de confession maronite. Le Parlement libanais a adopté l'amendement constitutionnel permettant de proroger de trois ans le mandat du président Emile Lahoud, conformément à la volonté de la Syrie, et malgré une résolution du Conseil de sécurité de l'ONU condamnant ce vote par avance. Cet amendement, adopté par 96 des 128 membres de la chambre, a été obtenu à main levée après un débat de plus de deux heures. Le Parlement, pour esquiver le piétinement de la Constitution, déclare que cette procédure a été adoptée à titre exceptionnel et pour une seule fois ! Le fait est que Lahoud est reconduit automatiquement pour trois ans, jusqu'au 23 novembre 2007. Lahoud avait été élu en 1998 pour un unique mandat de six ans, il a fallu amender une première fois la Constitution pour permettre son maintien au pouvoir. Cette fois-ci, il a vraiment fallu que Damas recoure à tout son poids. Il n'y avait pas que l'opposition à manifester son hostilité à l'amendement de la Constitution. Même chez les maronites, le ton avait été acerbe contre la volonté des Syriens de reconduire Lahoud. Mais la conjonction des sunnites, chiites, chrétiens, maronites et druzes n'est pas parvenue à venir à bout de la volonté de la Syrie. Pourtant, même l'ONU y a apporté son grain de sable, le Conseil de sécurité ayant condamné par avance la décision de maintenir en selle Lahoud. Présentée par les Etats-Unis et la France, cette résolution appelant au respect de la souveraineté du Liban et au retrait de toutes les troupes étrangères de son sol visait ainsi implicitement la Syrie, maître du jeu politique au Liban. Paris et Washington ont d'ailleurs rapidement dit leur préoccupation et condamné la décision du Parlement libanais. Ancien général en chef de l'armée libanaise, Lahoud, maronite de 68 ans, a constamment mené une politique pro-syrienne, se mettant même à dos la majorité de sa communauté religieuse. L'article 49 avait déjà été amendé pour lui en 1998 afin de lui permettre d'être élu, alors que sa qualité de chef de l'armée en exercice lui interdisait d'accéder à la présidence. Boutros Harb, candidat à la présidence, a critiqué avec virulence le vote à main levée, soulignant qu'il intervenait sous les yeux des services de sécurité, alors que le vote présidentiel doit, selon la Constitution, se dérouler à bulletins secrets. Harb a jugé que la décision d'amender la Constitution avait été prise en Syrie et menace de transformer le régime politique au Liban en un régime totalitaire sécuritaire semblable à celui en vigueur dans les Etats voisins. Aussitôt après l'annonce du résultat, des tirs en l'air de joie et des feux d'artifice ont illuminé le ciel de Beyrouth, dont les murs avaient été bardés de portraits géants du président Lahoud et d'autres le montrant aux côtés de son homologue syrien Bachar Al-Assad. La victoire sans gloire du président Emile Lahoud, qui s'est vu gratifier d'un demi-mandat supplémentaire de trois ans par une majorité parlementaire pro-syrienne, annonce des années difficiles pour le Liban, mais surtout pour la Syrie, estime la presse de Beyrouth. D. B.