L'avant-projet consacre la dépermanisation comme mode de recrutement, et l'UGTA unique interlocuteur du gouvernement. L'avant-projet de loi portant statut général de la Fonction publique, qui sera au menu de la prochaine bipartite, ne justifie pas tout le bruit qui a entouré sa laborieuse préparation. Tout au long de ses 227 articles, il n'y a pratiquement point de trace d'un acquis qui pourrait réjouir cette “armée” de fonctionnaires ayant trop souffert de déclassement. Et pour cause, il va falloir attendre cinq années pour entrevoir éventuellement une revalorisation des salaires des employés de cette catégorie professionnelle, c'est-à-dire une fois que ce projet serait entré en vigueur. Par contre, ces travailleurs doivent déjà se préparer au risque de dépermanisation qui planera au-dessus de leur tête. Finie en effet, la pérennité du statut de fonctionnaire, selon la nouvelle philosophie de la Fonction publique. Les articles 18, 19, 20 et 21 introduisent clairement la notion de “contractualisation” dans ce secteur jusque-là épargné par la précarité. Désormais, c'est chose faite, l'enseignant, le chercheur ou le fonctionnaire de l'état civil peut être appelé à travailler à mi-temps et à être payé en conséquence. Ironie du sort, au moment où la Centrale syndicale fait de la permanisation de quelque 32 000 contractuels son cheval de bataille dans ses négociations avec le Chef du gouvernement, l'administration de la Fonction publique lui propose de ne plus recruter à temps plein, c'est-à-dire d'ériger l'exception en règle. Ce sont donc, théoriquement, deux visions qui s'entrechoquent, voire qui s'excluent mutuellement. D'un côté, le gouvernement qui n'a jamais caché sa volonté de réduire la taille des effectifs de la Fonction publique, trop coûteux à ses yeux, et de l'autre l'UGTA qui milite pour la permanisation des milliers de contractuels. Pis, les deux parties ne sont même pas d'accord sur le nombre de cette dernière catégorie. Si la Centrale syndicale parle de 32 000 fonctionnaires, la direction générale, elle, n'a recensé que 227 609 personnes en instance de régularisation. Et au-delà de cette bataille de chiffres, il y a la couverture financière d'une telle opération qui risque de tout bloquer. L'Etat devra, en effet, dégager une cagnotte de quelque 4,49 milliards de dinars pour assurer le recrutement définitif de ces 227 609 fonctionnaires en instance. Et le gros des troupes se recrute parmi les fonctionnaires “provisoires” (129 445) la garde communale (95 000) et les agents de sécurité (28 700). Tout compte fait, on voit mal comment un gouvernement, qui pinaille sur le nombre de fonctionnaires à régulariser et qui s'inquiète sur le budget colossal à dégager pour les payer, puisse penser à recruter davantage. En réalité, les portes de la Fonction publique vont sans doute être fermées, du moins à moyen terme pour les nouveaux postulants. Sur ce plan, force est d'observer que la bataille de l'UGTA a tout l'air d'être vaine eu égard à la nouvelle philosophie de la Fonction publique inspirée de l'autre projet de réforme des structures de l'Etat dont la quintessence consacre la contractualisation du fonctionnaire, c'est-à-dire la précarisation de sa condition. Il est maintenant loisible de deviner les raisons qui ont poussé les pouvoirs publics à remettre, à chaque fois, sous le coude cet avant-projet qui risque d'avoir l'effet d'une bombe sociale au sein du bataillon de fonctionnaires déjà parents pauvres de la masse laborieuse. Après avoir déchanté avec la déclaration du ministre des finances, qui excluait toute augmentation des salaires, les fonctionnaires sont désormais menacés de perdre la moitié de leurs émoluments si d'aventure la contractualisation venait à être adoptée telle que proposée par la gouvernement. H. M.