La culture des représailles contre la presse, quand elle n'est pas accommodante, fait des émules. Elle dévale, ravageuse, à travers les échelons de la hiérarchie. En tout cas, elle a dégringolé jusqu'au niveau de Hafidh Derradji, responsable de l'information sportive à l'ENTV et de la commission “presse” de la FAF. Il vient de sévir contre Liberté en gommant ses représentants de la liste de journalistes devant accompagner l'équipe nationale de football à Kigali. Par cet acte, Derradji vient de détourner une prérogative fédérale pour la vengeance mesquine de son orgueil imaginaire chatouillé par une des chroniques de votre serviteur. Le commentateur vedette — nous sommes dans un pays où l'on est vedette par décision administrative d'un ponte — n'a pas apprécié que j'eusse relevé son brusque revirement de position quand, le 5 septembre dernier, il suggérait d'abord le départ de Raouraoua parce que le Gabon menait 1 à 0 contre l'Algérie, puis louangeaient les responsables du sport roi, dont le même Raouraoua, en fin de partie, quand l'Algérie subissait la correction gabonaise à 3 à 0. La morale de la volte-face s'imposait d'elle-même : un commentateur qui “demande la révolution à 1 à 0 et la continuité à 3 à 0” ne semble pas l'avoir fait de lui-même. Entre les deux attitudes, un message est forcément passé par… l'oreillette. C'est Derradji lui-même qui ajoutait à son repentir la déclaration hors de propos, mais sur l'instant significative : “Il y a une volonté politique”, comme si une fois ceci noté, le résultat n'avait plus le droit d'être pris en compte. Les aléas du direct ont parfois des effets dramatiques. Et au lieu de prendre la mesure de ses conditions de travail, Hafidh Derradji a donc juré de se venger. Pour cela, il dispose du pouvoir d'affectation du budget presse de la Fédération de football. En cela, il n'a pas innové. Même les décisions de gestion d'entreprises, comme les imprimeries ou l'Agence de publicité, sont prises en fonction des besoins de chantage contre la liberté d'informer et de commenter. Le réflexe renseigne, cependant, sur le niveau de propagation de la pratique totalitaire qui consiste à user des moyens publics pour “se faire respecter”. L'instinct de répression semble s'être démocratisé dans les institutions au point où il devient naturel que chaque échelon dispose de ses attributions légales comme d'autant d'armes d'autodéfense et de règlement de ses comptes personnels ! Les voies régulières, comme le droit de réponse ou le recours à la justice, pour obtenir réparation éventuelle, s'en trouvent, par conséquent, méprisées : le peu de pouvoir dont dispose chaque bureaucrate est utilisé à se faire justice. Si Hafidh Derradji a été effectivement rappelé à l'ordre, s'il a assumé de se contredire au cours du même “envoi”, il aura tout de même pu par le pouvoir que lui confère sa “mission” empêcher Liberté de couvrir un match de l'EN ! Maigre satisfaction devant la concession de se contredire en direct. Il n'y a finalement pas de mystère à ce que l'équipe d'Algérie donne une si piètre image d'elle-même. Autour d'elle, tout autour d'elle, c'est encore moins brillant. M. H.