Sous l'intitulé : “Algérie : Mission d'enquête sur les libertés syndicales. Pluralisme formel et entraves à l'exercice du droit syndical”, la Fédération internationale des ligues des droits de l'Homme (FIDH), basée à Genève, a, dans un rapport daté de décembre 2002, sévèrement pris à partie le gouvernement algérien au sujet des atteintes à répétition portées contre ce droit fondamental de l'être humain qu'est celui de se syndiquer. Dès l'introduction, la FIDH précise que suite aux différentes violations du droit syndical qu'elle a constatées et suite à la plainte déposée par le Snapap auprès du BIT, elle a mandaté une mission d'enquête qui s'est déroulée entre le 25 juillet et le 1er août 2002. La FIDH a regretté que ses représentants n'aient pas été reçus par le Chef du gouvernement et le ministre du Travail. Une demande a été réitérée dans ce sens en septembre 2002. Sans suite. Les délégués de cette fédération ont eu, cela dit, à rencontrer, outre Abdelmadjid Sidi Saïd, nombre de représentants de syndicats autonomes : Cnes, Snpsp, Snapap, Snte et Satef. Le rapport commence par un survol de la situation politique, économique et sociale qui prévaut en Algérie, en soulignant le contexte corsé dans lequel notre pays est embourbé (crise en Kabylie, paupérisation tous azimuts, taux alarmant de chômage, crise de logement, pénurie d'eau potable…). Situation aggravée, note le document, par l'application des PAS (programmes d'ajustement structurel) et les menaces sur l'emploi et un désengagement sans précédent de l'Etat, induits par les engagements de l'Algérie auprès des institutions monétaires internationales. Chapitre droit syndical stricto sensu maintenant, la FIDH, après un rappel des conventions internationales consacrant et protégeant le droit syndical, et que notre pays a dûment ratifiées, relève, d'emblée, une entrave caractérisée à la liberté de constitution de fédérations et de confédérations, et l'on connaît, en l'occurrence, les déboires du Snata et, après lui, la Casa. Pourtant, la convention n°87 de l'OIT, notent les rapporteurs, “n'exige qu'une simple déclaration de constitution déposée auprès de l'autorité nationale compétente”. Ce qui est loin d'être le cas en Algérie : “Or, la législation algérienne est conçue dans son ensemble de façon à restreindre les possibilités de création de fédérations ou de confédérations syndicales.” Et de faire remarquer : “En la matière, il semble bien que les autorités fassent une lecture discriminatoire et à minima de la loi 90-14.” Le rapport, citant les observations de syndicats autonomes, prend acte de ce que “l'UGTA elle-même n'est pas conforme aux dispositions de cette loi”. Celle-ci, en son article 2, stipule, soit-dit en passant, que seuls les travailleurs d'un même secteur ou d'une même branche d'activité sont autorisés à constituer une organisation syndicale, alors que l'UGTA dépasse de loin ce cadre. Se référant à l'article 2 de la convention 87 du BIT ratifiée dès 1962 par l'Algérie, et qui autorise les organisations syndicales à se fédérer, le comité du BIT, lit-on, “demande au gouvernement de prendre les mesures nécessaires afin de s'assurer que les travailleurs membres du Snapap puissent constituer des fédérations et des confédérations de leur choix et de s'y affilier”. Autre ineptie relevée par la FIDH : l'alibi de la représentativité. “La représentativité est un des éléments majeurs utilisés par les employeurs et les administrations pour s'opposer à l'activité syndicale”, observe la FIDH. Pour rappel, la loi 90-14 fixe le seuil de représentativité à 20% minimum de l'effectif total des travailleurs salariés. Chapitre blocages toujours, le rapport fait cas de disparités flagrantes en matière de ressources, entre l'UGTA et les syndicats autonomes, et parle franchement d'un “favoritisme” pro-UGTA. Soulignant cette marginalisation programmée, elle dissèque : “Dans la réalité, aucun syndicat autonome ne participe à une quelconque commission ou conseil d'administration d'un organisme social.(…) Tous les sièges sont monopolisés par la seule UGTA.” Et de conclure : “Cet esprit nuit à l'esprit de partenariat et de dialogue sociaux dont ne cessent de se réclamer les autorités et auxquels tous les syndicats souhaitent ardemment contribuer.” Enfin, le rapport égrène tout un chapelet des atteintes quotidiennes portées au libre exercice du droit syndical : fermetures de bureau, non-respect du droit de grève, violences policières, harcèlements… Ainsi, est-il consigné que le SG du Snpsp a reçu des menaces de mort par courrier électronique, que le SG du Snapap est soumis à une surveillance policière, ou encore, que le SG adjoint du Cnes a été arrêté et gardé dans un commissariat durant toute une journée suite à un banal contrôle de véhicule. Sans oublier l'affaire des huit syndicalistes du Snapap-Oran qui ont été interpellés, suspendus de leur travail et condamnés à trois mois de prison avec sursis (dont deux femmes) pour une grève de la faim jugée illégale. À bon “négociateur”, salut ! M. B.