Le président de la République intervenait hier à l'ouverture de la Conférence africaine de la lutte contre le terrorisme. “Le terrorisme a déjà frappé sur notre continent. Il peut y reconstituer ses réseaux, profitant en cela de la circulation illicite des armes provenant de zones de conflits, de l'étendue et de la perméabilité des frontières et de situations de misère et de détresse humaine, malheureusement encore trop répandues en Afrique. Le danger qu'il représente pour nous tous ne saurait être sous-estimé”. Cette vérité assénée par Abdelaziz Bouteflika hier à l'ouverture de la seconde Conférence intergouvernementale africaine sur la lutte antiterroriste au Palais des Nations est connue de tous. Du drame algérien aux soubresauts qui secouent actuellement ses voisins, en passant par les attentats anti-américains de Nairobi et de Dar Essalem en 1998, l'Afrique est effectivement en danger. Le constat étant établi, il reste à trouver les moyens de venir à bout de cette menace constante. En choisissant encore Alger pour y tenir sa seconde Conférence intergouvernementale contre le terrorisme, l'Union continentale semble vouloir arrimer ses engagements à ceux pris par notre pays depuis une décennie déjà. Mais au-delà du symbole, la diligence, dont elle fait montre dans la prise de ce fléau, se veut le témoin de sa détermination. Depuis 1999, c'est la troisième fois, en effet, que la question du terrorisme est à l'ordre du jour d'une messe continentale. Quatre ans après la signature de la Convention africaine lors du Sommet de l'Union à Alger, et deux ans après la première Conférence intergouvernementale, l'heure est néanmoins au bilan. À première vue, le nombre des Etats membres (36 sur 53) ayant ratifié le pacte continental suggère une adhésion sans équivoque. La présence de 300 délégués hier au Palais des Nations exprime aussi une mobilisation sans faille. Or, en dépit de la conviction affichée par les uns et les autres, des difficultés objectives hypothèquent l'action continentale. Dans son discours inaugural, le président de la République a sérié les obstacles. À ses yeux, la pauvreté est sans aucun doute le terreau le plus fertile à la prospérité du terrorisme. Pour cela, “le développement, le bien social, le plein exercice des libertés individuelles au sein d'Etats démocratiques” demeurent selon lui l'unique voie de salut. Le chef de l'Etat n'a pas raté l'occasion pour donner l'Algérie en exemple. La concorde civile, la relance économique, la consolidation de l'Etat de droit sont autant d'actions qu'il a revendiquées et dont il s'en est enorgueilli devant les congressistes africains. Avec plus de subtilité, il a mis en relief, le rôle joué par l'Algérie en vue de fédérer les pays africains autour d'une stratégie commune. Un bref historique de actions entreprises depuis 99 en territoire algérien, l'illustre clairement. Sur la base de ce qui a été fait (?!), et les ambitions entretenues depuis, le président de la République préconise de “poser de nouveaux jalons”. “Outre l'adaptation des législations et l'harmonisation des procédures et des pratiques juridiques, des actions coordonnées de surveillance des frontières sont également nécessaires afin de détruire les filières d'approvisionnement en armes des groupes terroristes et le financement de leurs activités criminelles par le biais de la contrebande et d'autres trafics illicites”, a-t-il prôné. Cependant de son avis, cette solidarité et cette coordination doivent dépasser le cadre continental et impliquer les partenaires européens et américains. À ceux-là qu'il qualifie de “partenaires en développement, Bouteflika a adressé un appel solennel afin de prêter main forte à l'Afrique dans sa guerre contre les groupes armés. Leur assistance dans le domaine de la prévention d'abord est loin d'être du mécénat dans la mesure où, selon le chef de l'Etat, l'Afrique constitue une zone de repli”. “Nous combattons le terrorisme avec des armes obsolètes”, a-t-il regretté. En mettant la main dans le plat, les grandes puissances concourent ainsi à leur propre salut. La présence en force de délégations de pays européens et des Etats-Unis, d'organisations comme l'OTAN, l'UE, l'ONU, OSCE… aux travaux de la conférence en est l'illustration. Lors de son passage à la tribune, l'envoyé de la Maison-Blanche a bien reconnu que le terrorisme représente “un défi pour le monde entier et qu'aucun pays, aucun aéroport, aucune école et aucun citoyen ne sont à l'abri des attentats”. Si le terrorisme est une réalité, il reste néanmoins à le définir. Objet d'une grande controverse au sein des instances internationales, le concept est sujet à des interprétations diverses. Au nom de l'Afrique, Bouteflika a tenu à apporter une précision de taille. D'après lui, il est important de distinguer l'acte terroriste de la lutte des peuples pour leur autodétermination. La Déclaration d'Alger, qui sera adoptée aujourd'hui à l'issue des travaux de la conférence intergouvernementale, y fera probablement allusion. Les autres chapitres entérineront les nouveaux engagements des Etats membres pris dans la lutte contre le terrorisme. Pour l'heure, la mise en service d'un centre de recherche sis à Alger paraît comme la seule avancée. Il a été inauguré hier par le président Bouteflika. S. L. /L. B.