Des mandats d'arrêt ont été lancés contre des membres de la Laddh et du FFS alors que les 50 personnes interpellées mercredi dernier sont toujours en détention. Le procès risque d'être houleux. Une semaine après “la descente” d'une équipe de la Direction du contrôle des prix et de la qualité chez les commerçants de Ghardaïa, la situation reste toujours hérissée. Pis, les troubles qui ont secoué pendant plusieurs jours la vallée du M'zab risquent d'être réédités en raison de l'emballement de la machine judiciaire. En effet, alors qu'une cinquantaine de personnes dont plusieurs commerçants, interpellées au cours d'une manifestation mercredi dernier, sont toujours en détention, la répression vient d'être élargie à des militants des droits de l'Homme et des représentants d'un parti politique, en l'occurrence le Front des forces socialistes (FFS). Plus d'une dizaine de personnes, dont les six membres du bureau local de la Ligue algérienne de la défense des droits de l'Homme (Laddh), quatre de ses militants et les responsables de la fédération du FFS risquent, à leur tour, d'être jetés en prison suite à l'émission, dimanche, de mandats d'arrêt contre eux. “Au lieu d'explorer les voies de l'apaisement, les autorités encouragent le pourrissement”, s'élève Kamaleddine Fekhar, vice-président de l'antenne de la Laddh et élu du parti d'Aït Ahmed au sein de l'Assemblée communale de Ghardaïa. Outré, notre interlocuteur ne comprend pas qu'on puisse s'en prendre à ceux-là mêmes qui ont entrepris de désamorcer la situation et de calmer les esprits échauffés des manifestants. “Nous avons été auprès des jeunes pour les exhorter à la sagesse. De même, nous avons tenté de nouer le dialogue avec les autorités. Et c'est comme ça que nous sommes récompensés !” tempête M. Fekhar. Selon lui, si la police franchit le pas et procède à de nouvelles arrestations, un soulèvement sera inévitable. Il y a une semaine pourtant, rien ne présageait une telle insurrection. Des mois après les violents affrontements intercommunautaires entre Mozabites et Chaâmbas, tout semblait rentrer dans l'ordre. Mais voilà que les ressentiments ethniques reviennent à la surface. À l'origine, une tournée des brigades mixtes de la Direction de la répression des fraudes dans les locaux commerciaux du centre-ville. Cela s'est passé le lundi 11 octobre. Qualifiant l'incursion des inspecteurs de discriminatoire, les boutiquiers d'origine mozabite décident d'une action de protestation publique. Leur argument tient au fait que des hordes de trabendistes essaiment les venelles de la cité et sévissent sans crainte d'être appréhendés, alors qu'ils subissent, pour leur part, le diktat des services du commerce. Au lendemain de l'inspection, l'ensemble des marchands concernés observe une grève et se rassemble sur la place de la révolution attenante au siège de la wilaya. Un groupe muni d'une plateforme de revendications est dépêché au siège de la wilaya pour solliciter une entrevue avec le wali. Rabrouée, la délégation rejoint les contestataires bredouille. Le mépris, l'indifférence… sont autant de motifs à l'escalade. La foule fulmine. Pour autant, le recours à la violence est exclu. “Les commerçants ont manifesté jusqu'à la tombée de la nuit de manière pacifique. Par la suite, chacun est rentré chez lui dans le calme”, raconte M. Fekhar. Mercredi, la communauté des marchands organise une marche puis un nouveau rassemblement. Néanmoins, cette fois-ci, rien ne se passera plus dans le calme. Un important dispositif policier est mis en place tôt le matin aux alentours de la place de la Révolution. Très rapidement, des interpellations sont effectuées dans les rangs des manifestants. Outre les commerçants, des militants du FFS et de la Laddh sont appréhendés par les éléments des forces de l'ordre. D'après le délégué de la Laddh, la police a fait preuve d'une pure sauvagerie. Le face-à-face a duré jusqu'à vendredi dans la nuit. Entre-temps, une session de l'assemblée de wilaya est convoquée. Au cours de cette réunion, le wali est pris à partie par les élus et le responsable du bureau de l'organisation de Ali Yahia Abdenour. “C'est le wali qui pose problème”. “S'il avait rencontré les commerçants et tendu l'oreille à leurs revendications, rien de cela ne serait arrivé”, soutient M. Fekhar. D'après lui, si les hostilités ont cessé, la tension est toujours de mise. “Une peur indicible hante les gens”, confie-t-il encore. Les plus éprouvées sont sans doute les familles des détenus. Aujourd'hui, une partie d'entre eux sera présentée devant le juge. De l'issue du procès dépendra la suite des événements. Pour éviter “un règlement” à huis clos, la direction nationale de la Laddh a tôt fait d'alerter l'opinion. Dans un communiqué transmis hier à la rédaction, elle appelle à la solidarité nationale et internationale, et à l'adresse également à l'Observatoire international pour la protection des défenseurs des droits de l'Homme. S. L.