Si le président sortant garde son fauteuil du bureau Ovale, c'est tout d'abord parce que la majorité des Américains voient en lui leur protecteur. L'irruption de Oussama Ben Laden dans la campagne électorale américaine vendredi dernier, à moins d'une semaine du scrutin, avait valeur d'ultime argument dans le choix des électeurs. Les menaces qu'il a proférées contre l'Amérique servaient royalement George Bush dans la mesure où les bravades du chef d'Al-Qaïda faisaient agiter de nouveau l'épouvantail du terrorisme, un spectre sur lequel le locataire de la Maison-Blanche a bâti toute sa stratégie de campagne. Si le candidat des républicains garde son fauteuil du bureau Ovale, c'est tout d'abord parce que la majorité des Américains voient en lui leur sauveur. Les attentats du 11 septembre 2001 ayant traumatisé le peuple, leur président est là pour les protéger, quitte à mener des croisades lointaines et en y laissant des plumes. “Nous défendrons la paix en allant combattre l'ennemi là où il se trouve. Nous luttons contre les terroristes à l'étranger pour ne pas devoir les combattre sur notre territoire. Nous éliminons les chefs des réseaux terroristes en menant des raids, en perturbant leurs projets et leurs financements et en les contraignant à une fuite constante”, martèle Bush dans son programme électoral. Dans son brûlot audiovisuel, Fahrenheit 9/11, Michail Moore a eu beau orienter sa caméra sur les travers de la guerre en Irak et ses arrière-pensées, mettre sous les feux des projecteurs ses victimes innombrables et stigmatiser “l'insoutenable légèreté” de Bush junior, il n'a rien changé au sort de l'élection. De même, la politique franchement antisociale du président n'a pas empêché ce dernier de briguer un second mandat. Les coupes drastiques dans le budget de la santé, le déclin des centres industriels, la progression du chômage sont autant d'indices préfigurant normalement sa débâcle électorale ; il n'en est rien. Certes, Bush n' pas obtenu un plébiscite. Ses opposants sont nombreux. Mais, l'Amérique profonde, naïvement manichéenne a vu en lui le détenteur de l'empire du Bien contre celui du Mal, représenté par Ben Laden, Saddam Hussein et consorts. “Nous ne négocions pas avec les terroristes. Aucune forme de thérapie ou de coercition ne les détournera de leurs desseins meurtriers. Seule la destruction totale et complète du terrorisme permettra à la liberté de s'épanouir”, explique encore Bush dans son programme électoral. Destiné à la consommation populaire et prétendant la défense des plus faibles, ce genre de discours est néanmoins inspiré par les plus forts, cette élite militaro-industrielle qui soutient Bush et dont il sert les intérêts. Fortunée et influente, cette caste est “la base” du candidat républicain, celle qui, en grande partie, lui a permis d'atteindre la plus haute marche du podium. Carlyle, Halliburton… sont autant de firmes dont l'implication dans la gestion des Etats-Unis d'Amérique est connue. Et pour cause, dans ce vaste pays où le pouvoir politique et celui de l'argent ne font qu'un, l'argent dicte très souvent les choix politiques. Fait étrange dans une république, la religion aussi se mêle des élections. Le soutien des églises évangélistes à Bush étant sans équivoque, il reste à savoir quel impact ont ces chapelles sur l'électorat. L'opposition de George Bush à l'avortement et au mariage homosexuel a poussé les hommes de la foi à le soutenir. Leurs ouailles disséminées un peu partout à travers le pays ont suivi. El l'Amérique ultraconservatrice a gagné. S. L.