La cour d'assises (criminelle) des Hauts-de-Seine qui siège à Nanterre, près de Paris, juge depuis lundi dernier une vieille femme et sa fille pour le meurtre du député. L'affaire avait fait grand bruit. Le député, originaire de Béjaïa, avait disparu alors qu'il était accaparé par la préparation de la visite officielle que l'ancien Chef du gouvernement et ancien secrétaire général du FLN, Ali Benflis, devait effectuer à Paris. Le 9 janvier 2003, le député avait quitté en début de soirée un de ses amis en lui disant simplement qu'il se rendait à Nanterre, en banlieue parisienne. Après un moment, il n'était plus possible de le joindre. Son téléphone portable était devenu “muet”. Les autorités consulaires étaient alors informées et les services de police saisis. Le moment de la disparition et les fonctions du disparu faisaient penser à un acte politique. Pendant une vingtaine de jours, et alors que la visite de Benflis s'était achevée sans incident, le député, par ailleurs cadre au sein d'une grande entreprise Cap Gemini, restait introuvable jusqu'au 29 janvier. Intrigué par un véhicule qui n'avait pas changé de stationnement depuis une durée qui lui parut anormale, un habitant de la rue Hoche, dans le 8e arrondissement de Paris, fit part de ses inquiétudes à la police qui vint vérifier et faire une découverte macabre. Le cadavre du député était là dans le coffre de son véhicule. Les enquêteurs excluaient d'emblée un acte professionnel. En analysant le téléphone portable de la victime, ils apprirent qu'elle avait effectué un dernier appel par une borne près de la villa des Marronniers à Nanterre. Certains de ses proches savent justement que Benbara avait une relation dans ce quartier. Cette relation allait tout expliquer. En analysant un cheveu retrouvé coincé sous un ongle du député, les policiers parvinrent à en identifier rapidement la provenance et à élucider le meurtre. En fait, Benbara avait une fille de 5 ans dans la villa des Marronniers. C'est Yasmine, conçue à l'insu de sa femme légitime et de ses quatre enfants résidant à Saint-Chamond, dans le département de la Loire. Yasmine est née d'une liaison avec Louiza Benakli, avocate et adjointe au maire de Nanterre tombée le 2 mars 2002 sous les balles du forcené Richard Durn qui avait mitraillé une réunion du conseil municipal. Dans le secret, Benbara avait consacré la liaison par une cérémonie religieuse mais évité, sous divers prétextes, de l'officialiser par un mariage civil. En fait, il ne voulait pas révéler à sa nouvelle conquête sa situation matrimoniale dans un pays où la polygamie est interdite. “Au moins à trois reprises, Louiza avait failli se marier à la mairie de Nanterre mais à chaque fois la cérémonie a été annulée”, a témoigné mardi dernier l'ancienne maire de la ville, Jacqueline Fraysse. Benbara, qui menait ainsi une double vie, allait en connaître une troisième avec une collègue d'Alger où il commençait à siéger comme député. C'est la voiture de Louiza et sa résidence, située juste en face de celle des Benakli, qui devaient abriter ce nouvel amour caché lorsque les tourtereaux se rendaient à Paris... Le 9 janvier 2003, le député voulut rendre visite à Yasmine confiée à la garde de ses tantes et de sa grand-mère maternelle, une vieille Kabyle et une ancienne moudjahida que les vicissitudes de la vie ont conduite à s'expatrier sans perdre une once de ses valeurs de paysanne. En le voyant, na Sekura n'a pas pu s'empêcher de lancer à la figure de son hôte qu'elle avait appris sa nouvelle liaison. Et la discussion dégénéra. “Je lui ai dit que cette femme dans ta voiture ne m'a pas fait plaisir”, a raconté devant la cour d'assises la vieille femme au visage sec et aux cheveux rassemblés en un chignon gris. À cette remontrance, le député répond qu'il veut refaire sa vie en emmenant sa fille. “Elle (la collègue), c'est une femme propre et je vais l'épouser. Ta fille était sale (sous-entendu qu'elle n'était pas vierge). C'était une esclave qui travaillait pour les Français”, se serait-il défendu. Pour la vieille, le sacrilège venait d'être commis par celui qui évoquait en ces termes Louiza sa “perle”. Elle se jetait alors sur celui qui venait de profaner la mémoire de sa fille et qui tentait de la repousser violemment sous le regard apeuré de Ouardia, la plus jeune des filles de na Sekura. Ouardia s'empara alors d'une poêle en fonte. “J'ai frappé, frappé partout. Il a sali la mémoire de Louiza, menacé ma mère et Yasmine. C'est la somme de tout cela qui m'a conduite à le tuer”, raconte doucement la jeune femme au visage angélique en triturant un châle rose jeté sur les épaules. Pendant que Ouardia frappait, na Sekura fonçait dans la cuisine et s'armait d'un couteau qu'elle plantait dans le thorax de Benbara. “J'ai frappé là, à gauche”, dit-elle en se frappant la poitrine. “Il a saigné mon cœur alors j'ai saigné le sien”, s'explique-t-elle. Après cela, la vieille femme a nettoyé le sol avec l'aide de son petit-fils qui devait ensuite transporter le corps dans sa voiture vers la rue Hoche où il avait été découvert 20 jours après. “Tous attendaient, fatalistes, l'arrivée de la police”, a témoigné un enquêteur. Le verdict est attendu demain... Y. K.