Une révision de la fiscalité est recommandée par plusieurs opérateurs. Un chapelet de dispositions relatives à l'entreprise sont contenues dans le projet de loi de finances 2015, adoptée la semaine dernière par l'APN. Elles sont différemment appréciées, par des chefs d'entreprise. Certains d'entre eux évoquent le caractère "discrétionnaire" de quelques dispositions. Prenons l'exemple de l'article 74 (octroi d'exonérations, à la création d'entreprise, en matière d'IBS ou d'IRG et de la TAP pour une durée de cinq ans). L'orientation fiscale comporte des "avantages" pour les activités liées à une liste de filières, précisant que les activités sont définies par le Conseil national de l'investissement (CNI), renforçant ainsi le caractère "discrétionnaire", explique Lies Kerrar, expert financier et président de Humilis Finance. Inappropriée et "inéquitable", elle crée, selon lui, de la "distorsion concurrentielle", en accordant des avantages à une entreprise et pas à d'autres, dans un environnement concurrentiel. Elle est aussi "inefficace" car, rappelle-t-il, nous avons ce type d'avantage depuis longtemps sans que cela n'améliore notre positions dans les classements mondiaux de la compétitivité fiscale. Lies Kerrar recommande une révision de la fiscalité de toutes les entreprises de façon "uniforme" et "équitable". Et de poursuivre : "N'oublions pas que nous sommes au 174e rang mondial (sur 189) en termes de compétitivité de la fiscalité des entreprises, et que la TAP est la principale cause de cette mauvaise performance." Pour lui, la compétitivité des entreprises algériennes commence par "l'élimination de la TAP et son remplacement par d'autres modes de fiscalité adaptés à une économie moderne, notamment la fiscalité foncière". La TAP, les chefs d'entreprise n'en veulent pas Lies Kerrar n'est pas le seul à proposer une réforme de la TAP, un impôt calculé en pourcentage du chiffre d'affaires. Slim Othmani, P-DG de NCA Rouiba, veut également un réaménagement de cette imposition, insistant sur le fait que la TAP pose encore problème, escamotant tout l'effort fiscal. M. Othmani ajoute que l'Etat a "renforcé" certains avantages fiscaux, que cela est une "bonne chose", mais qu'il y a toujours des dispositions, la TAP en tête, à "corriger", si on veut une réelle relance de l'économie et un développement de l'entreprise. Et de souligner : "C'est faux de dire que l'entreprise algérienne est la moins taxée en Méditerranée." Par ailleurs, la révision de l'IBS, en l'unifiant à 23% au lieu de 19% (sociétés exerçant dans la production de biens, BTP et tourisme) et 25% (sociétés exerçant dans les activités de commerce et de services), le P-DG de NCA Rouiba n'y voit pas d'inconvénient, expliquant qu'un producteur a besoin d'un importateur. Il se montre cependant peu enclin à l'idée d'accorder des exonérations à des entreprises nouvellement créées et pas à celles qui sont sur le terrain et qui continuent de subir des "incohérences fiscales". Et puis, l'exonération, dont il est question dans la loi de finances 2015, reste vague. L'exonération d'IRG y est évoquée sans que "l'on comprenne" de quel IRG il s'agit (IRG sur les dividendes versés aux actionnaires ?) et "sans explication" sur la pertinence de cette mesure, note Lies Kerrar qui relève au sujet des subventions de taux d'intérêt, appelés "bonification de taux", que celles-ci "ne répondent pas aux besoins réels et aux préoccupations des entreprises face au financement". Pour plus de normalité au marché du foncier Les taux sont bas en Algérie. Les taux du Trésor à 5 ans sont à moins de 3%. Les problèmes de financement sont plus "l'accès équitable" au financement, à ses modalités, qu'aux "taux d'intérêt", résume-t-il. Autre chapitre, la révision du mode de calcul de la redevance locative annuelle (1/33 au lieu de 1/20) sur les concessions des terrains relevant du domaine privé de l'Etat destinés à la réalisation de projets d'investissements. C'est juste un "ajustement" qui rattrape, "insuffisamment", un décalage avec la réalité du marché, estime le président de Humilis Finance, pour qui ce toilettage "ne va pas régler nos problèmes du foncier industriel". Ce qui est recommandé, pour redonner un peu plus de normalité au marché du foncier industriel et avoir les prix du foncier industriel abordables pour une réelle activité industrielle, c'est d'agir sur trois volets, énumérés par Lies Kerrar : "Publier" sur un registre électronique accessible librement sur internet de toutes les informations relatives aux transactions foncières et immobilières (identification de l'acheteur et vendeur, prix de la transaction, description du bien : nature, superficie bâtie, non bâtie, etc., localisation du bien) ; "mettre en place une fiscalité foncière basée sur la valeur marchande" avec des abattements de l'impôt foncier pour la résidence principale et/ou la résidence secondaire (pour atténuer l'impact sur le pouvoir d'achat et l'accès à la propriété pour les ménages) ; "appliquer de manière plus systématique le droit préemption" de l'Etat en cas d'insuffisance du prix déclaré avec l'obligation de l'Etat de mettre le bien aux enchères immédiatement après (effet dissuasif pour les sous-déclarations) et de façon "transparente" (accès aux informations complètes sur les enchères sur internet) et enfin "revoir les coûts" des transactions (réduction drastique des coûts de transactions immobilières, notamment le droit d'enregistrement) dans l'objectif de décourager la sous-déclaration de valeur et de fluidifier le marché foncier et immobilier.