Mgr Teissier et Mustapha Cherif ont animé, hier, un débat autour du dialogue islamo-chrétien et la nécessité de rapprocher les points de vue et éviter les exclusions qui servent les extrémistes de tous bords. Que peut apporter le dialogue islamo-chrétien à l'humanité en général et aux Algériens en particulier ? A-t-il un impact dans la résolution des problèmes des gens épris de justice et dans le vivre-ensemble ? Ce sont là certaines questions qui ont été, hier, au centre du débat, à la fondation Slimane-Amirat, à Alger. Dans son intervention, la veuve du moudjahid, Zoubida Kaddour-Amirat, a plaidé pour "le raisonnement juste" chez l'homme libre et pour "la liberté de confession" qui, selon elle, devrait privilégier la paix. Mme Amirat a, en outre, intercédé en faveur "des dialogues plus éclairés avec la société" dont la finalité est de pouvoir "vivre dans le respect de l'autre". Avant de céder la parole aux deux conférenciers, à savoir Mgr Henri Teissier et Mustapha Chérif, respectivement ancien archevêque d'Alger et philosophe. L'homme de foi a beaucoup insisté sur le nécessaire dialogue entre "les deux communautés", rappelant "des moments significatifs" du dialogue islamo-chrétien dans l'histoire de l'Algérie. Dans ce cadre, Mgr Teissier citera les "rencontres" entre l'Emir Abdelkader et Mgr Dupuche qui avaient abouti à "une amitié" entre les deux hommes, et, plus récents, les colloques, conférences et échanges, auxquels il a été convié, tout en notant au passage que les chrétiens en Algérie sont "une toute petite communauté". L'ancien archevêque du fameux cardinal Duval a également évoqué les "engagements" entre les Algériens, musulmans et chrétiens dans les domaines social et culturel. De l'avis de Mgr Teissier, "le dialogue islamo-chrétien ne peut pas être regardé seulement de l'Algérie". La preuve, avancera-t-il, "des chrétiens algériens s'engagent à l'extérieur", pour parler des chrétiens d'Algérie ou pour mener des initiatives communes avec des hommes des autres religions. Plus loin, l'intervenant a laissé entendre que la communauté chrétienne en Algérie attend beaucoup du nouveau ministre des Affaires religieuses, surtout après ses déclarations favorables à "l'islam de Cordoue". Le philosophe-sociologue a, pour sa part, estimé que le dialogue islamo-chrétien "fait partie de la vie" et saurait donc se limiter aux seuls intellectuels. Pour Mustapha Chérif, nous avons besoin de l'autre, car il vient nous interroger. "L'exclusion est contraire à ce que veut la foi", a-t-il soutenu, par ailleurs. Le conférencier admettra, par la suite, que "dans ce combat des idées, la question de l'amalgame est devenue centrale". "C'est cet amalgame ou cette recherche d'un nouvel ennemi qui pose problème", a-t-il déclaré, rappelant que si les puissances étrangères attaquent des pays arabes, "ce n'est pas à cause de la religion ou de l'islam". Et ce, d'autant que "l'inquisition n'est pas dans l'Evangile". Dans son exposé, l'universitaire convoquera l'histoire pour justifier les "crispations" et, parfois, le "malaise" du dialogue entre les deux religions. Il rappellera, à ce titre, que "l'église a accompagné le colonialisme", en observant dans le même temps que "l'appel du 1er Novembre 1954 ne fait pas l'amalgame entre la lutte anticolonialiste et le christianisme". "En fait, les problèmes sont d'abord politiques et économiques", a-t-il déclaré, sans pour autant nier les dégâts de "l'ignorance sur notre histoire et notre culture". Lors du débat, l'historien Mohamed El-Korso appellera "à balayer devant les portes", soumettant une question à l'assistance : "Quelle est la part du politique dans la crise que traverse le monde musulman ?" H. A.