La "convivialité islamo-chrétienne" a existé même pendant les moments les plus sombres des guerres coloniales, a indiqué, jeudi à Constantine, Mgr Henri Teissier, ancien archevêque d'Alger. Animant une conférence à l'université des sciences islamiques Emir Abdelkader sur le thème "la convivialité islamo-chrétienne en Algérie au cours des âges", Mgr Teissier a fait ressortir dans son intervention la tolérance et la coexistence pacifique qui ont marqué les rapports entre les communautés chrétienne et musulmane en Algérie, sous les différents Etats et dynasties qui ont régné sur le pays depuis l'avènement de l'Islam au Maghreb. Evoquant la période coloniale, l'ancien archevêque d'Alger a estimé que le dialogue islamo-chrétien pendant cette étape de l'histoire du pays, a commencé avec les négociations qui se sont établies entre Mgr Dupuch, le premier archevêque d'Alger et l'Emir Abdelkader pour l'échange de prisonniers des deux camps. A la suite de cette initiative qui s'inscrit "en droite ligne dans l'esprit humaniste" des deux religions, une "grande amitié est née entre le premier chef de la résistance populaire algérienne à l'invasion colonialiste et le premier archevêque d'Alger sous la conquête française qui s'est prolongée même quand l'Emir se fit prisonnier en France", a indiqué Mgr Teissier. C'est dans ce même esprit humaniste que s'est inscrite l'intervention, en 1860, de l'Emir au profit des chrétiens du Mont-Liban (Syrie), qui a pu sauver plus de 12.000 d'entre eux, a-t-on rappelé dans les débats. De nombreux autres exemples de coopération et de solidarité islamo-chrétienne ayant marqué la période de la guerre d'indépendance, ainsi que celles qui l'ont précédée et suivie, ont également été cités par le conférencier qui a rappelé que pendant la décennie noire, "19 prêtres chrétiens ont perdu la vie pour avoir choisi de demeurer sur la terre d'Algérie pendant une période de souffrances et de tourments". A propos du "martyre" des 7 moines de Tibhirine, l'ancien archevêque d'Alger a témoigné que sa "plus la grande consolation" face à ce tragique évènement furent "les nombreux messagers de sympathie qu'il a reçus à cet égard de la population, de toutes parts et de toutes conditions". D'ailleurs, a-t-il fait remarquer à ce sujet, la population de Tibhirine "attend toujours le retour des moines, c'est-à-dire de leurs remplaçants", ce qui constitue, a-t-il dit, une "preuve supplémentaire des bons rapports entre chrétiens et musulmans". Donnant en exemple son propre cas et les nombreuses amitiés qui le lient à des personnalités politiques, culturelles, religieuses en Algérie, dont il est par ailleurs citoyen à part entière, Mgr Teissier a mis un accent particulier sur l'importance des relations individuelles dans la propagation de la tolérance et l'échange fructueux entre religions, tout en mettant en garde, d'autre part, contre "le virus de la politisation de la religion" qui "ne fait généralement que dévoyer le message divin dont elle est porteuse", a-t-il dit.