Le fond de la question pourrait se confiner également dans des évolutions intervenues au sein du régime lui-même, confronté à l'évidence à une situation qui deviendrait de plus en plus intenable. Après avoir fait de l'application de l'article 88 de la Constitution, qui prévoit l'empêchement du Président pour incapacité avérée à assumer ses charges, son leitmotiv, l'opposition se rend à une nouvelle exigence : l'organisation d'une élection présidentielle anticipée. Cette exigence, qui peut paraître, à première vue, comme une atténuation de l'ardeur politique mise à vouloir démettre légalement le chef de l'Etat pour cause de maladie grave et durable, est de meilleure inspiration, en ce qu'elle traduit une stratégie encore plus fine. L'enjeu politique, pour l'opposition, incarnée dans le large regroupement des partis et personnalités nationales que constitue l'Instance de concertation et de suivi (ICS), ne se limite plus au départ du président de la République ni dans la manière dont cela devra se traduire, mais du procédé qui prévaudra s'agissant de la succession. En effet, l'ICS, réunie mardi à Alger, a, de nouveau, insisté sur la mise en place d'une commission indépendante et pérenne chargée de l'organisation des élections. Cette réclamation est posée en préalable aux deux entreprises politiques engageantes : une élection présidentielle anticipée et l'adoption, ensuite, d'une Constitution consensuelle. L'opposition, d'aucuns l'auront noté, ne s'est pas laissée aller, certainement par choix tactique, aux explicitations relativement à cette métamorphose du menu politique qu'elle propose. L'on pourrait, certes, déduire une évolution dictée par la difficulté technique à mettre en application l'article 88 de la Constitution, mais le fond de la question pourrait se confiner également dans des évolutions intervenues au sein du régime lui-même, confronté à l'évidence d'une situation qui deviendrait de plus en plus intenable. La Coordination nationale pour les libertés et la transition démocratique (CNLTD) et le Front des forces du changement (FDC), qui font cause commune contre le pouvoir en place, semblent convaincus de l'inéluctabilité d'une élection anticipée à laquelle le régime se préparerait. Pour l'opposition, il s'agit de peser pour empêcher que l'élection présidentielle soit l'apanage du gouvernement ou qu'elle soit l'otage des clans du régime qui, éventuellement, se disputeraient la présidence de la République. La sortie d'avant-hier de l'ICS, analysée à l'aune de l'entrain mis par le patron du FLN, Amar Saâdani, à tenter la constitution d'un bloc des partisans du Président, mais aussi à cet intérêt que l'Union européenne (UE) éprouve à prendre le pouls politique national en ce moment, donne à entrevoir comme une conviction partagée par les uns et les autres que les changements au sommet de l'Etat peuvent se précipiter. La seule question, qui relèvera encore du mystère pour certainement encore quelque temps, est celle de saisir ce qui aurait pu se produire pour que la succession à Bouteflika se retrouve posée de la sorte huit mois à peine après sa reconduction pour un 4e mandat d'affilée. Pour le moins que l'on puisse conclure, c'est que le nouveau cap pris par l'opposition et l'affairement des courtisans à faire bloc ne sont pas dictés par la toute récente hospitalisation de Bouteflika à Grenoble. Pour lourde qu'elle soit, la question de la succession à la présidence de la République ne saurait se confondre avec quelques réactions intempestives ou ambitions hâtives. S A I