La sortie, pour le moins inattendue, du président de la République, Abdelaziz Bouteflika, concernant la révision constitutionnelle, étonne et surprend l'opposition. Joints par téléphone, juste après la diffusion par l'agence officielle (APS) du message de Bouteflika, lu en son nom par son conseiller Mohamed Ali Boughazi, à l'ouverture des travaux de la conférence scientifique africaine sur "l'évolution du droit constitutionnel en Afrique", des représentants des partis d'opposition se sont en effet déclarés "étonnés" et "surpris" que le chef de l'Etat s'adresse aux étrangers et non pas aux Algériens sur la révision de la Constitution de leur propre pays. MSP : "C'est aux Algériens qu'il fallait s'adresser" "Nous sommes étonnés et surpris que le chef de l'Etat s'exprime sur cette question qui concerne les Algériens à l'occasion d'une rencontre africaine. Comment le président de la République informe les étrangers sur la révision de la Constitution de notre pays, alors qu'il ignore les partis politiques de l'opposition ? Cela veut dire qu'il ne donne plus d'importance aux Algériens", a relevé Zineddine Tebbal, chargé de communication du MSP, parti formant avec le RCD, Jil Jadid, Ennahda et El-Islah (d'Abdellah Djaballah), et de l'ancien chef de gouvernement, Ahmed Benbitour, la Coordination nationale pour les libertés et la transition démocratiques (CNLTD). Cela pour ce qui relève de la forme. Concernant le fond du message du président de la République, le représentant du MSP se demande, par ailleurs, "de quelle Constitution consensuelle parlait-il ?" M. Tebbal se dit ne pas comprendre l'attitude de Bouteflika qui parle de "Constitution consensuelle" en se référant aux consultations menées par le chef de cabinet de la Présidence et auxquelles seuls les partis et les organisations proches du pouvoir avaient participé. "À moins qu'il ne parle de sa propre Constitution à lui ou celle de la Présidence. Il ne peut pas parler de Constitution consensuelle sans la participation de tous les acteurs de l'opposition", a rétorqué M. Tebbal. Jil Jadid : "C'est un signe de panique" De son côté, le président de Jil Jadid, Soufiane Djilali, juge, à ce titre, que le message du Président se veut comme une réponse à l'opposition, mais aussi à l'Union européenne (UE), laquelle reconnaît la crédibilité de cette dernière. "C'est une réponse à la reconnaissance de l'Union européenne à l'opposition. C'est aussi une réaction à la va-vite à la proposition de l'opposition", a-t-il soutenu, estimant, au passage, que le message de Bouteflika "n'apporte absolument rien d'important, ni aucun détail" concernant la révision de la loi fondamentale du pays. Pour Soufiane Djilali, la sortie du Président exprime, en outre, la "panique" du pouvoir, ainsi que le souci du chef de l'Etat qui, selon lui, cherche à "gagner du temps et éviter des élections anticipées". "Cela fait six mois depuis qu'il ne parle plus de cette question et, aujourd'hui, il sort de sa coquille pour défendre sa chaise qu'il ne veut surtout pas quitter", a tranché M. Djilali. RCD : "Le pouvoir est en panne d'initiatives" Même son de cloche chez son partenaire de la CNLTD, le président du RCD, Mohcine Belabbas, qui, lui, tire la conclusion que l'opposition a "contraint le pouvoir, en panne d'initiatives, à faire dans la réaction". "La sortie du Président traduit l'absence d'initiative chez le pouvoir. Aujourd'hui, nous avons contraint le pouvoir à faire dans la réaction", a délaré M. Belabbas, rappelant l'agenda politique de la CNLTD dont les propositions phares consistent, dans l'ordre, en l'institutionnalisation d'une instance indépendante de gestion et d'organisation des élections, l'organisation d'élections présidentielles anticipées et, enfin, la révision de la Constitution. F A