Le chaos sécuritaire qui a lieu en Libye depuis la chute de Kadhafi en 2011 a permis la création de nombreux groupes terroristes, dont certains ont annoncé leur allégeance au Daech (Etat islamique). Jusque-là confiné en Syrie et en Irak le groupe d'Al-Baghdadi nourrit l'ambition d'étendre ses activités en Afrique du Nord en se servant comme rampe de lancement de la Libye où il y a pris place par le biais de divers groupes agrégés à Fajr Libya, dont fait partie notamment Ansar charia, classé comme organisation terroriste par l'ONU. Une vidéo postée sur les réseaux sociaux il y a quelques jours a montré une démonstration de force à travers un défilé militaire ayant engagé des dizaines de ses membres cagoulés et vêtus d'uniforme militaire qui paradaient à bord de pick-up, armés de lance-roquettes RPG et de mitraillettes et brandissant le drapeau noir et blanc de Daech. La situation est telle que la ville de Derna, transformée en "Emirat islamique", est devenue le fief des partisans de Daech, selon des experts. D'ailleurs, certains observateurs occidentaux considèrent déjà cette ville de 150 000 habitants, place forte historique des islamistes radicaux dans l'est libyen, comme la troisième franchise d'EI en Afrique du Nord, après Jound al-Khilafa, et Ansar Bayt al-Maqdess. Le dirigeant de l'EI, Abou Bakr al-Baghdadi a récemment vanté dans un enregistrement audio l'expansion du "califat" annonçant avoir accepté les serments d'allégeance émis par des terroristes de Libye, d'Egypte, du Yémen, d'Arabie saoudite et d'Algérie. Ce qui a fait réagir les Etats-Unis, qui ont récemment exprimé leur "inquiétude" sur la base d'"informations selon lesquelles des factions extrémistes violentes ont prêté allégeance à l'EI et cherché à s'associer à lui", selon le porte-parole du département d'Etat, Jeffrey Rathke. Mais des experts tempèrent, à l'image de Claudia Gazzini, analyste de l'International Crisis Group pour la Libye, en affirmant qu'"il y a une tendance erronée à associer automatiquement la création de tribunaux islamiques et l'assassinat de soldats à un agenda de l'EI". "Il est vrai que ce groupe profite de l'absence de toute autorité de l'Etat et des frontières poreuses dans ce pays en proie au chaos, où deux parlements et deux gouvernements se disputent le pouvoir sur fonds de violences meurtrières", comme l'affirme un ancien membre du Conseil national de transition (CNT). Cependant, ces experts affirment qu'Ansar charia n'a pas annoncé jusqu'ici son allégeance formelle au chef de l'EI, en raison de divisions dans ses rangs, entre les partisans de l'EI et ceux d'Al-Qaïda. Ils rappellent aussi que Derna et une grande partie de Benghazi, deuxième ville du pays, étaient déjà considérées comme un "émirat islamique" hors de tout contrôle des faibles autorités libyennes avant même la proclamation de l'EI. A. R.