Les sanctions prises par la commission de discipline de la LFP que préside Hamid Haddadj, relatives aux huis clos instaurés dans les matchs, dont le derby algérois MCA-USMA qui s'est joué sans public au stade de Bologhine, sont perçues par le président de la LFP comme une entorse au football. Il le dit clairement et ouvertement dans cet entretien. Liberté : On a remarqué, M. Kerbadj, ces derniers temps, un retour en force du huis clos dans les stades des Ligues 1 et 2. Quelles sont les motivations ayant conduit la commission de discipline de la LFP à prendre des sanctions aussi extrêmes ? Kerbadj Mahfoud : Vous pensez bien que de telles décisions ne sont pas prises avec gaieté par la commission de discipline de la Ligue de football professionnel. En fait, ce sont des situations graves qui nous conduisent à prononcer de telles sanctions. N'oubliez pas que depuis la mort du joueur de la JSK, Albert Ebossé, on a durci le ton avec les équipes, car lorsqu'il s'agit de mort d'homme, on ne tolère aucune complaisance. Personnellement, je le dis et je le répète, le football est un jeu de spectacle qui est fait pour être joué devant des supporters, mais que voulez-vous qu'on fasse ? On enregistre chaque week-end des scènes de violence dans nos stades, malgré toute la sensibilisation qu'on a faite aux côtés de la société civile qui s'est impliquée avec nous pour mettre un terme à ce fléau, hélas ! Les mauvais supporters sont toujours là pour gâcher la fête, c'est ce qui nous conduit à prendre les sanctions du huis clos. Il y a un autre aspect lié aux recettes des stades qui risque de porter un sérieux coup à la trésorerie de la LFP, puisqu'elle sera privée de sa quote-part. Avez-vous pris en considération ce volet financier ? Il y a plus d'une année déjà, aucun club ne verse sa quote-part à la LFP. En plus, récemment, le bureau fédéral a décidé de laisser cette quote-part aux clubs. Donc la LFP ne touche aucun sou des recettes des stades. Autre chose, je sais que la plupart des clubs ont des difficultés financières, ils n'ont pas de recettes conséquentes, il y en a même qui n'en perçoivent même pas, comme je l'ai lu récemment dans la presse, on comprend la situation des clubs, on est là pour les aider et les écouter. Je comprends l'inquiétude des présidents qui s'interrogent sur cette sanction du huis clos, des fois la recette d'un match constitue une bouffée d'oxygène pour eux, d'où cette appréhension de jouer devant des gradins vides. Pour revenir à votre question, sachez que la LFP n'encaisse pas sa quote-part des recettes des stades. Mais je veux ajouter quelque chose... Allez y... Quand des présidents de clubs huppés réclament de jouer les rencontres à huis clos, cela veut dire quoi ? Donc, ce n'est pas la LFP qui est directement responsable du huis clos comme le pensent certains, cette demande des présidents de club a été faite en réunion officielle avec le président de la FAF. Que chacun assume donc ses responsabilités. La LFP est là pour accompagner les clubs, les aider, les orienter, pas les casser, chacun doit y mettre du sien pour qu'on arrive conjointement à combattre ce fléau qui ronge notre football. Ce qui m'étonne dans cette histoire de violence dans nos stades, c'est le fait qu'on voit tous les jours sur la télévision des matchs de différents championnats européens, pourquoi on ne n'inspire pas du comportement exemplaire du public européen ? Jouer à huis clos n'est pas du tout la solution idéale et adéquate pour notre football, je suis très conscient de tout ça, cela me fait vraiment mal au plus profond de moi-même quand je vois de belles affiches sans public. La LFP n'est pas responsable de cette situation, il y a des structures qui travaillent pour faire respecter le règlement, les lois du jeu. Quand je vois des mineurs se balader sur les terrains et faire ce qu'ils veulent, je me dis, mais qui les a autorisés à rentrer au stade ? Pourtant, il y a eu des mesures prises récemment qui empêchent tout mineur non accompagné d'entrer au stade, pourquoi n'a-t-on pas respecté cette mesure ? Autant de questions auxquelles je voudrais bien avoir une réponse claire.
Cela veut dire qu'il y a encore de la complaisance dans les stades par ceux chargés de faire régner l'ordre ? Je ne veux accuser personne, mais en tant que président de la LFP, j'ai le droit m'interroger. Je ne comprends pas encore comment laisse-t-on un supporter faire entrer un fumigène, qui est considéré comme une arme dangereuse capable de tuer une personne ? Après on viendra vous dire pourquoi la LFP fait ça et ça, non, il faut que chacun assume ses responsabilités. La LFP n'a pas les prérogatives et le pouvoir de fouiller les supporters à leur entrée au stade, il faut l'implication de tout le monde, le comité de supporters, les dirigeants de club, les cellules de quartier, le service d'ordre, les stadiers, car il s'agit de la sécurité de tous. L'organisation d'un match de foot est l'affaire de beaucoup d'acteurs, il faut que chacun fasse son travail pour éviter ce fléau qui risque de freiner le développement du football.
Certains présidents que nous avons rencontrés jugent que les amendes infligées par la commission de discipline très élevées. Qu'avez-vous à leur répondre ? Ce n'est pas une invention de la LFP, les amendes liées au mauvais comportement d'une équipe existent depuis que le football se pratique, sauf que dans le cas de nos clubs, il faut savoir que le bureau fédéral de la FAF, dans ses récentes réunions après la mort d'Ebossé, a pris la décision de doubler les amendes liées à la violence sur les terrains, et ce, pour obliger les clubs à se comporter correctement et aussi pour lutter contre la violence. Je suis pour qu'on inflige de fortes amendes contre toutes les équipes qui sont responsables directement des scènes de violence, en revanche, je suis contre la sanction de dirigeants de club pour une longue durée. Si cela revenait à moi, je leur infligerais une amende qui atteindrait le million de dinars, comme ça ils vont penser mille fois avant d'enfreindre les règlements. Laissez-moi vous dire qu'on s'est déjà penché sur cette question la saison passée, où on a fait preuve de souplesse à l'égard des équipes, mais depuis la mort d'Ebossé, la situation a changé, on a pris certaines mesures en étroite collaboration avec tous les acteurs pour s'attaquer à cette violence, qui malheureusement n'a pas disparu de nos stades. Je lance un appel aux responsables des clubs pour leur dire qu'il faut s'impliquer d'une manière directe pour sensibiliser les supporters et éviter les déclarations incendiaires à travers la presse, qui risquent de chauffer les supporters le jour du match. Après tout, le football n'est qu'un jeu, il faut donc créer les conditions idéales pour le déroulement d'une rencontre de football et encourager l'esprit du fair-play. La LFP est là pour encourager toute initiative visant justement à endiguer ce mal à la racine. R. A.