Pour marquer le 10e anniversaire de sa disparition, le Centre amazigh de Montréal (CAM) organise, samedi 13 décembre, au Centre Africa de Montréal, un hommage au dramaturge et poète Muhend u Yehya. À l'époque de Mohya, dans presque chaque village sommeillait un théâtre. À l'époque de Mohya, ses cassettes s'échangeaient sous le manteau dans les milieux militants et culturels. À l'époque de Mohya, les campus universitaires et les cités U étaient des bouillons de culture, épicentre du militantisme culturel revendicatif. Muhend u Yehya, de son vrai nom Abdellah Mohya, natif d'Aït Erbah en Haute Kabylie en 1950, a très tôt fait de tutoyer le théâtre universel, lui qui a kabylisé des chefs-d'œuvre monumentaux comme La Jarre de Pirandello, Tartuffe de Molière, Ubu Roi de Jarry, En attendant Godot de Beckett, La Décision de Brecht, Les Emigrés de Mrozeck, etc. Outre ces adaptations d'œuvres issues du patrimoine universel, Mohya avait aussi ses propres créations. Cheikh Ahechraruf reste ainsi l'un des textes les plus flamboyants de son œuvre. Une œuvre pléthorique qui a brassé tous les modèles littéraires et culturels. Satirique, le texte en question qui emprunte beaucoup au théâtre médiéval de l'absurde dénonce un monde fait d'hypocrisie et de fausseté. Certaines pièces de théâtre adaptées par Muhend u Yehya étaient jouées sur scène à la fac. La troupe universitaire Imesbriden (Les passagers) avait magistralement monté Tacbaylit et Sinsitri, qui restent, depuis, des références emblématiques dans le théâtre amateur d'expression amazighe. Outre le théâtre, Mohya s'est fait connaître aussi par la poésie. Ses textes ont irrigué le combat identitaire par la chanson engagée mené par Imazighen Imula, Djurdjura, Ideflawen ; des groupes contestataires qui ont bercé la jeunesse militante de ceux qui ont aujourd'hui les tempes grisonnantes. Une anecdote : un chanteur qui voulait embrasser la mode de la contestation a sollicité Mohya pour un texte à chanter. Ce dernier lui proposa Tahya berzidan (il sera repris par la suite par Ferhat). À sa lecture, l'interlocuteur de Muhend u Yehya sursauta. "Mais ils vont me mettre en prison !", s'est-il excusé. Et à Mohya de répliquer, un tantinet moqueur : "D l'artiste !" Mohya s'est intéressé, par ailleurs, aux Dialogues philosophiques de Platon, en adaptant Gorgias, une œuvre inachevée, à cause d'une terrible maladie. Il décède le 7 décembre 2004 dans un hôpital parisien. Aujourd'hui, les hommages qui se multiplient témoignent d'une reconnaissance à un homme qui a consacré sa vie à la culture berbère. Promoteur d'une tradition littéraire par et pour tamazight, Mohya a laissé à la postérité une œuvre monumentale. Pour marquer le 10e anniversaire de sa disparition, le Centre amazigh de Montréal (CAM) organise, samedi 13 décembre au Centre Africa de Montréal, un hommage au dramaturge et poète Muhend u Yehya. Au programme de cette évocation : théâtre, poésie et chants. Le public aura ainsi l'occasion de (re)voir Tacbaylit, une pièce adaptée de La Jarre par Mohya, maintenant que les villages kabyles sont orphelins de son théâtre. Y. A.