Le 16 mai dernier a donné lieu à une alliance des plus étranges, aujourd'hui, égarée. Un mois après la réélection de M. Abdelaziz Bouteflika à la tête de l'Etat, le 8 avril 2004, les premiers responsables du RND, du FLN et du MSP se rencontraient à l'hôtel El-Aurassi, à Alger, pour sceller une alliance, en prolongement du pacte qu'ils avaient signé au mois de février précédent. En cette journée du 16 mai, la mine souriante de Ahmed Ouyahia, Abdelaziz Belkhadem et Abou djerra Soltani n'affichait pas seulement un triomphalisme béant ; elle annonçait, peut-être, l'émergence d'un pôle politique de toute évidence hétérogène. Hétérogène et, à la naissance, déjà chancelant. Rivaux et opposés par leur nature, le rassemblement démocratique et le mouvement islamiste se heurtaient d'emblée à la convalescence manifeste d'un FLN en mal de redressement. Un parti vieux par ses réflexes et écartelé entre la démarche précipitée de son conservateur de coordinateur et les ambitions démesurément égoïstes d'une pléiade d'aspirants rangés depuis des mois derrière la reconduction acquise du chef de l'Etat à son poste. Et, d'emblée, chaque parti se hâtait à préciser que l'indépendance des coalisés n'était pas concernée par le pacte. En août dernier, Abou djerra Soltani confirmait ainsi que “les trois partis se sont engagés à mettre en œuvre les clauses stipulées (dans le pacte) tout en respectant les spécificités de chaque formation”. La semaine dernière, le vice-président du groupe parlementaire du MSP à l'Assemblée, Fatah Guerd, allait également dans le même sens : “Cette alliance présidentielle n'est pas une autre forme de parti unique.” Sauf que, contrairement à ce qu'a affirmé le secrétaire général du RND, l'été passé, le pacte ne dérange pas forcément “ceux, qui, islamistes ou démocrates, sont incapables de s'entendre”. Il commence visiblement à irriter des membres de l'alliance elle-même. Les récents heurts à propos de la loi de finances 2005 et les tiraillements aigus autour du code de la famille laissent clairement apparaître les signes d'un malaise, somme, toute inévitable. L'alliance s'est à l'origine construite non pas sur des convictions politiques ou idéologiques partagées, mais sur un programme d'essence avant tout économique. Elle s'est articulée autour des références proclamées et assumées d'un candidat, en l'occurrence le président Bouteflika, renvoyant à une liste didactique d'engagements surtout économiques destinés à rassurer ses soutiens étrangers. En homme du système averti, Ahmed Ouyahia ne trouvait ni empêchement ni inconvénient à la propre succession de Bouteflika, de même que Belkhadem n'aspirait qu'à continuer à tirer bénéfice des faveurs du chef, alors que Soltani ne renoncerait pour rien au monde aux postes ministériels acquis du temps de Mahfoudh Nahnah. Ce n'est pas fortuit si, aujourd'hui, la direction du MSP revendique davantage de considération au sein de l'alliance : les quatre sièges du gouvernement ne lui suffisent plus, d'autant que certains de ses ministres sont dans les bonnes grâces du président ! En tout cas, six mois plus tard, la structure de direction (composée des trois chefs) n'est toujours pas installée, pas plus que la commission nationale exécutive — chargée d'endosser les dossiers et de suivre les programmes ou le Conseil national — devant se réunir annuellement afin d'évaluer le travail de la commission. Point d'orgue de la nullité du pacte, les premiers responsables du RND, du FLN et du MSP n'ont jamais pu se rencontrer depuis leur premier sommet. Pourquoi les conservateurs de l'ex-parti unique et les islamistes ne se gêneraient-ils à participer au départ de leur ami Ouyahia du gouvernement ? Sa politique les dérange, sa façon de gérer les dérange. Après tout, le MSP, comme l'a un jour déclaré un de ses membres les plus influents, est au gouvernement, pas au pouvoir. L. B.