Si l'institution présidentielle ne consent pas à un effort de communication, c'est qu'elle craint de donner du grain à moudre à l'opposition pour qui la maladie de Bouteflika a généré "la vacance du pouvoir". L'information non officiellement confirmée, qui a circulé mardi autour du retour le même jour du président de la République, Abdelaziz Bouteflika, de l'hôpital militaire français Val-de-Grâce, où il a été admis le 27 avril 2013 suite à un accident ischémique transitoire (AIT), un mini-AVC, repose, une fois de plus, la question de la communication institutionnelle relative à la santé du Président. Comme lors de son hospitalisation le 13 novembre dernier à la clinique mutualiste de Grenoble pour, avaient alors rapporté plusieurs sources non officielles, un contrôle médical de routine, la présidence de la République n'a pas jugé opportun ni utile de réagir à l'assertion (rumeur ?) qui le donnait réadmis avant-hier au Val-de-Grâce. Pourtant, le court article publié, mardi, par Maghreb Confidentiel, au sujet de l'atterrissage à Paris de l'avion présidentiel médicalisé a provoqué un buzz sur la Toile. Relayée tout de suite par les médias en ligne puis par les journaux le lendemain, l'information livrée par le site français a eu immédiatement pour effet de susciter la préoccupation à la fois chez les milieux politiques nationaux et les partenaires étrangers de l'Algérie. Immanquablement d'ailleurs, puisque la santé du président de la République, premier magistrat du pays, a une implication forte sur la vie institutionnelle. Plus forte encore dans un système politique tel que l'algérien où l'essentiel de la décision est concentré entre les mains du chef de l'Etat. N'était, par ailleurs, la récurrence qui le caractérise, l'on se serait peut-être persuadé que le silence entretenu autour de la visite non confirmée de Bouteflika au Val-de-Grâce procéderait du fait que l'entrefilet de Maghreb Confidentiel soit modulé sur le ton interrogatif. Le site d'information français s'était, en effet, retenu d'affirmer quoi que ce soit avec certitude. "Bouteflika de retour au Val-de-Grâce ?", titrait-il, prudent. Par deux fois en l'intervalle d'un mois, la santé du président Bouteflika a constitué la trame à la chronique médiatique sans que les autorités estiment nécessaire de s'y exprimer. À la mi-novembre, plus exactement le 14 du mois, Le Dauphiné, un quotidien régional français, révélait l'admission du président Bouteflika à la Clinique mutualiste de Grenoble. À Alger, chez les officiels, le mutisme est intégral. L'information n'est ni confirmée ni infirmée. Il aura fallu attendre la première semaine de décembre et la visite du Premier ministre, Abdelmalek Sellal, pour avoir enfin une confirmation tacite de ce séjour médical de Bouteflika en France. La confirmation de cette visite médicale, longtemps après sa survenue, rend donc suspect le silence observé aujourd'hui autour du retour mardi de Bouteflika au Val-de-Grâce. Suspect, même si l'agence APS a fait état de l'envoi, le jour même, par Bouteflika, de messages de félicitations à deux souverains étrangers et la désignation du président du Sénat, Abdelkader Bensalah, pour le représenter au sommet de Nouakchott sur la paix et la sécurité en Afrique. Car cette activité présidentielle, dont il est fait état, relève plus de l'exécution d'un protocole que d'un effort tangible de gestion. Un silence dicté par la conjoncture politique L'on pourrait supposer, cela dit, que c'est la conjoncture politique qui dicte cette résignation au silence autour de la santé de Bouteflika. En janvier 2014, lorsqu'il fallait préparer l'annonce d'une candidature pour un 4e mandat du chef de l'Etat sortant convalescent, la Présidence avait communiqué sur le contrôle médical effectué au Val-de-Grâce. "Pour parachever son bilan de santé, initié à Alger, et dans le cadre d'une visite médicale routinière de contrôle arrêtée et programmée depuis juin 2013, le président de la République, Abdelaziz Bouteflika, a séjourné à l'hôpital du Val-de-Grâce du lundi 13 janvier au vendredi 17 janvier", avait informé la présidence de la République, précisant qu'"aucune procédure d'urgence n'a dicté ce déplacement (...)". Si, aujourd'hui, l'institution présidentielle ne se rend pas à pareil effort de communication, c'est qu'elle craint de donner du grain à moudre à l'opposition, pour qui la maladie de Bouteflika a généré "la vacance du pouvoir". Et ce n'est pas à tort, au demeurant, qu'elle établit ce constat tant est que les activités du président de la République se trouvent réduites, depuis son AIT, au strict menu protocolaire, avec une visibilité par image télévisuelle interposée. Cette longue convalescence de Bouteflika, ponctuée de séjours médicaux en France, a détérioré grandement les ressorts institutionnels de la République déjà usés par la gestion autoritaire et antidémocratique des affaires de l'Etat. Elle a, aussi, affaibli le rendement diplomatique du pays, les partenaires étrangers ayant du mal à identifier clairement qui prend et étrenne vraiment la décision politique, valide les engagements économiques et assure leur durabilité. S. A. I.