Le Premier ministre, Abdelmalek Sellal, avait assuré du maintien de la politique de subvention en relevant que 30% du PIB de l'Algérie, soit l'équivalent de 60 milliards de dollars, étaient dédiés chaque année aux transferts sociaux. Face aux persistantes rumeurs faisant état d'une inéluctable et imminente révision de la politique sociale, prônée jusque-là par l'Algérie, à cause de la dégringolade des prix du pétrole, le gouvernement se veut rassurant. L'Exécutif est à ce propos catégorique et il l'a réitéré d'ailleurs à plusieurs occasions : la chute des cours du Brent n'aura aucune incidence sur l'économie nationale. Avec, toutefois, ce bémol pour préciser que cette résilience face à un éventuel choc pétrolier ne peut s'étendre au-delà du court terme... Après les déclarations réconfortantes du ministre des Finances, relayées quelques jours plus tard par celles de son collègue du département de l'Energie, c'est au tour d'un autre membre de l'équipe de Sellal, en l'occurrence le ministre du Commerce, d'abonder dans le même sens. "Aucune subvention ne sera revue. Nous ne toucherons à aucune des subventions. Le pays dispose de suffisamment de moyens financiers pour faire face à cette situation de chute des cours mondiaux de pétrole", a déclaré Amara Benyounès à la presse, en marge des travaux du Conseil de la nation, qui l'a interrogé jeudi sur la possibilité de changer la politique des subventions sous l'effet de la forte baisse des prix du brut. Voilà qui est clair : l'affirmation ne souffre d'aucune ambiguïté, le gouvernement n'envisage pas de réviser sa politique de subvention des produits de large consommation, malgré cette nouvelle donne sur les marchés pétroliers mondiaux. La baisse des prix de l'or noir, soutient-il, n'aura pas d'impact sur l'approvisionnement du marché national. N'étant pas en situation de crise, argue-t-il, l'Etat n'arrêtera pas sa stratégie de soutien réservée aux principaux produits alimentaires de première nécessité, tels que le sucre, l'huile, la semoule et le lait, ainsi que les carburants. Quant aux conséquences de cette chute des cours du brut sur les équilibres financiers de l'économie nationale, le grand argentier du pays a précisé au JT du 20h de la Télévision algérienne au début du mois de décembre courant que l'Algérie disposait "des mécanismes à même de faire face à ce genre de situation" à la faveur de "la politique prudente" adoptée par le pays depuis plus de dix ans. Ces amortisseurs de la politique sociale L'Algérie a réussi, grâce à sa politique, à rembourser ses dettes, à se doter, par conséquent, d'"une plus grande capacité" à résister de nouveaux dysfonctionnements économiques et d'accumuler d'"importantes réserves de changes", selon le ministre, qui a mis l'accent, dans ce cadre, sur la contribution du Fonds de régulation des recettes (FRR). Mieux, Mohamed Djellab a rassuré beaucoup de ses concitoyens lorsqu'il a avoué que "les projets de développement d'infrastructures économiques et sociales ne subiront pas de changements ni pour le court ni pour le moyen terme". Les mêmes arguments ont été également avancés, une semaine plus tard, par le ministre de l'Energie, Youcef Yousfi, sur la même chaîne TV. Il a parlé d'"amortisseurs" dont dispose l'Algérie, que sont, a-t-il détaillé, le FRR et le faible endettement extérieur, et refuse d'évoquer toute crise économique qui risque de secouer le pays. Pour sa part, le secrétaire général de l'UGTA, M. Sidi-Saïd, a tenu à tranquilliser jeudi les participants au congrès régional d'Oran quant au maintien par le gouvernement de la décision de l'abrogation de l'article 87-bis. "Soyez tranquilles, l'article 87-bis sera supprimé", lancera-t-il tout de go à l'adresse de l'assistance. Une manière à lui d'expliquer que l'abrogation de cet article dont l'application entrera en vigueur à partir du 1er janvier 2015, permettant une augmentation des salaires de l'ensemble des travailleurs de la Fonction publique et des secteurs économiques public et privé, sera bel et bien mise en œuvre. En termes plus clairs, le patron de la Centrale syndicale a insinué que la baisse des prix du pétrole n'influera guère sur la politique sociale décidée par l'Exécutif. Même "en cas de retard dans son application, la rétroactivité se fera à partir du 1er janvier 2015", avait-il affirmé précédemment. En septembre dernier, faut-il le rappeler, le Premier ministre, Abdelmalek Sellal, avait assuré du maintien de la politique de subvention en relevant que 30% du PIB de l'Algérie, soit l'équivalent de 60 milliards de dollars, étaient dédiés chaque année aux transferts sociaux, en plus des montants consentis par l'Etat au secteur économique au titre des subventions indirects pour les prix de l'énergie et de l'eau. Ces bruits qui circulent, concernant le maintien ou non de la politique sociale du pays, ne constitueraient-ils pas une occasion ou une chance inouïe pour repenser la politique sociale et, plus particulièrement, celle des subventions ? Car, celle-ci devient, en ces temps avant-coureurs de crise, une épineuse problématique pour l'Etat. "La ressource va là où elle ne devrait pas aller. Cette politique de subvention sans discernement a, aujourd'hui, un coût faramineux", relevait l'ex-ministre des Finances, Abdelatif Benachenhou, lors de son passage au Forum de Liberté. Faut-il repenser la politique des subventions ? Et pour illustrer ses propos, il avait indiqué que les subventions d'origine budgétaire se chiffreraient à près de 2 000 milliards de dinars, soit 12% du PIB. Avec les subventions dites implicites, à savoir l'eau, l'électricité et les carburants, soit 1 820 milliards de dinars, représentant 11,6% du PIB, cela donne un cumul de 23,6% du PIB. Et ce total représente la somme des subventions que l'Etat algérien distribue aux citoyens ! Insoutenable !, reconnaissent les observateurs très au fait de la situation socioéconomique du pays. D'où leur option pour un abandon de cette politique de subvention, telle que conçue actuellement, et de substituer à celle-ci de nouveaux dispositifs de soutien direct aux catégories sociales les plus démunies. À l'instar des autres économistes, M. Benachenhou suggère "une sortie de ces subventions, mais d'une manière ordonnée, avec un calendrier bien planifié". Une telle décision nécessite, avouera-t-il, en revanche, "une démarche progressive, sélective et territoriale, sans violence et sans faire peur à la population". Il serait plus judicieux, précisera-t-il, de préparer la population à ce type de mesures en lui signifiant que les subventions versées aujourd'hui ne diminueront pas dans un premier temps mais qu'à l'avenir, cette décision deviendra inéluctable. Les Algériens doivent, semble dire l'universitaire, apprendre désormais à compter sur eux-mêmes. L'heure est réellement à l'inquiétude car l'Algérien doit se mettre dans la tête que les ressources énergétiques que recèle son pays ne peuvent rester intarissables éternellement. L'après-pétrole doit occuper une place prépondérante dans toute politique économique que compte concevoir à l'avenir l'Etat algérien. Le gouvernement est-il conscient des sombres horizons socioéconomiques qui risquent de s'ouvrir dans les quelques prochaines années si pareilles politiques sont poursuivies ? Pas pour le moment. Preuve en est qu'aux suggestions du FMI adressées à l'Algérie sur la nécessité d'un ciblage des subventions vers les seules couches défavorisées, Abdelmalek Sellal avait rétorqué à cette institution financière internationale : "Chaque chose en son temps." Un adage arabe ne dit-il pas : "Koul âtla fiha khir" ? (Chaque retard peut être un bien en soi) Le Premier ministre ne croyait pas si bien dire... B. K.