Dans sa réaction à l'appel au meurtre prononcé par l'islamiste intégriste, Hamadache Zéraoui, contre le journaliste et écrivain Kamel Daoud (finaliste du prix Goncourt 2014 pour son livre Meursault, contre-enquête), le ministre des Affaires religieuses et des Waqfs, Mohamed Aïssa, a tenu, hier, un discours plutôt moralisateur. S'exprimant au Forum d'El-Moudjahid, M. Aïssa a, en effet, jugé que le propos exprimé sur sa page facebook par ce prédicateur autoproclamé est loin d'être une fetwa et n'engage que sa personne. "Je ne perçois pas l'appel fait par cet individu (Hamadache Zéraoui) sur sa page facebook comme étant une fetwa, qui est par définition un avis religieux qui émane d'une autorité religieuse. Or, lui n'a aucune autorité ; il n'a ni mosquée, ni pupitre, ni aucune niche dans les institutions officielles." S'il juge que cette menace contre un écrivain-journaliste a aussi pour objectif de "déranger et parasiter la politique nationale qui est arrivée à la réconciliation nationale", M. Aïssa ne manque pas, toutefois, d'interpeller Kamel Daoud à "respecter les règles religieuses, le sacré et les principes algériens". Existe-t-il des règles définissant l'appartenance et la foi de l'Algérien que le journaliste aurait transgressées ? Si le ministre n'a pas de réponse claire là-dessus, il n'en demeure pas moins convaincu qu'"il (Kamel Daoud) devrait faire un geste pour dire aux Algériens : ‘N'ayez pas peur, je reste toujours attaché à la culture algérienne'". Il fait allusion à la tentative d'"extrapolation et de récupération", entreprise par Bernard Henry Levy (BHL). "Kamel Daoud a le droit de se défendre, mais je dois dire aussi que nous risquons de perdre un des enfants d'Algérie qui est en train d'être récupéré par un lobby sioniste international hostile à l'islam et à l'algérianité", juge l'invité d'El-Moudjahid, non sans rappeler le soutien par ce journaliste lorsque, lui-même, avait fait des déclarations concernant la réouverture des synagogues en Algérie. " Je ne nie pas qu'il m'avait appuyé. Je me rappelle bien ses propos qui m'avaient fait chaud au cœur lorsque j'étais, moi-même, victime de cette extrapolation, lorsque j'avais évoqué la problématique des synagogues. Néanmoins, je me suis aussi défendu et je suis toujours dans le juste milieu, dans le patriotisme national, et j'ai dit tous ces propos à tous mes interlocuteurs occidentaux (...). Ce n'était donc pas un dérapage, ni un engagement dans une démarche universelle qui requiert une appartenance", a-t-il souligné comme pour justifier son appel à Kamel Daoud pour qu'il se démarque de ce lobby sioniste qui tenterait de la récupérer. M. Aïssa se déclare comme un lecteur invétéré de Kamel Daoud et estime que "l'Algérie a besoin de lui, car elle s'enrichit au quotidien de ses chroniques, tout comme elle a besoin de son courage". La victime qu'il est par rapport à cet appel à son meurtre n'a-t-elle pas besoin, en revanche, de la justice de son propre pays, appelée à condamner le pseudo-imam en question ? "Je crois avoir entendu le ministre de la Justice dire que son département prendra en charge la plainte déposée par Kamel Daoud, et j'espère qu'elle aboutira et donnera encore une fois un nouveau jalon à la pluralité qui existe en Algérie", répond le ministre avant de se démarquer du "radicalisme rampant" qui menace "l'islam de la tolérance, du respect et de la cohabitation ; l'islam de Cordoue", qui a rayonné pendant des lustres dans notre pays. F. A.